About us / Contact

The Classical Music Network

CD

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

07/20/2010
Marc-André Dalbavie : Concerto pour flûte
Michael Jarrell : ...Un temps de silence... (*)
Matthias Pintscher : Transir (#)

Emmanuel Pahud (flûte), Orchestre philharmonique de Radio France, Peter Eötvös (direction), Pascal Rophé (*) (direction), Matthias Pinscher (#) (direction)
Enregistré à la salle Olivier Messiaen, Radio France, Paris (29 novembre-1er décembre 2006 [Dalbavie] et 9-11 juillet 2007) – 55’01
EMI classics 50999 5 01226 2 2 — Notice en anglais, allemand et français





Aucun répertoire ne résiste au grand talent d’Emmanuel Pahud, première flûte de l’Orchestre philharmonique de Berlin depuis 1992, qui enregistre en exclusivité pour EMI Classics depuis 1996. Après Vivaldi, Telemann, Bach, Haydn, Mozart, Reinecke, Brahms, Saint-Saëns, Debussy, Nielsen, Ravel, Ibert et Goubaïdoulina, il enregistre ici trois œuvres du répertoire contemporain, issues de commandes à son intention respectivement des Berliner Philharmoniker et de la Tonhalle de Zurich, de l’Orchestre de la Suisse Romande et du Festival de Lucerne. Que le mélomane apprécie ou non ces trois œuvres dans l’absolu, son plaisir à l’écoute de cette interprétation insurpassable sera immense. Malgré la virtuosité extrême requise, innovatrice et périlleuse, Emmanuel Pahud laisse une impression d’aisance insouciante et de grand naturel, les traits hardis, la souplesse des lignes, la respiration, la beauté du son, la pyrotechnie et les qualités aériennes semblant aller de soi. L’élégance, la maîtrise et la musicalité d’Emmanuel Pahud sont hors du commun. C’est du grand art.


Le programme du récital observe une certaine gradation. L’oreille passe progressivement et sans peine d’une pièce relativement aimable et d’accès aisé à une pièce de facture plus ardue, plus ouvertement expérimentale. Le lumineux Concerto pour flûte (2006) de Marc-André Dalbavie (né en 1961), fluide et expressif, est en un seul mouvement aux climats changeants, la partie centrale, plus sombre et mystérieuse entourée de volets plus vifs, la ligne de la flûte décrivant les arabesques d’un oiseau aux rapides battements d’ailes légers et gracieux. La flûte illumine l’orchestre ou se fond en lui, les deux parfaitement complémentaires, corps et âme d’un seul être, les cordes en nappes mobiles et instables le reflet terrestre de l’oiseau en vol, les cuivres plus autoritaires le lustre de son ombre. L’âme se fait l’écho du corps, le corps sa résonance dans une grande inventivité sonore qui allie le spectral au chromatique. Contrairement à certaines habitudes prises chez Dalbavie, la spatialisation n’est pas matérialisée mais naît du soin apporté au détail de la texture orchestrale aux subtils alliages de timbres, source de couleurs diaphanes, fortes et fines. Peter Eötvös, à la tête d’un Philhar’ en forme, assure la clarté nécessaire.


Plus dense, plus affirmée, sombre d’entrée, ...Un temps de silence... (2007) est une expérience du silence quand tout est son, une expérience sur le silence, le silence toujours éphémère, toujours de qualité différente. Michael Jarrell (né en 1958) crée la qualité des silences en variant radicalement la musique qui précède: le statisme de phrases plus étirées glisse vers le silence en parfait contraste avec la deuxième grande caractéristique de l’œuvre, la pulsation, variée à l’infini, qui nie le silence mais qui s’y précipite. Il s’ensuit que l’œuvre est la mise en relief de l’inattendu. En un seul mouvement également, elle se divise en trois parties contrastées, l’agitation de la flûte et l’autorité de l’orchestre cédant le pas à la contemplation avant un nouvel assaut d’énergie partagée, plus amène, qui se coule en une coda statique et mystérieuse où les techniques de jeu finement colorées de la flûte virtuose illuminent un discret tapis sonore dominé par les crépitements sourds des bongos. La flûte est présente en permanence affrontée ou soutenue par un orchestre qui se doit d’être en parfaite symbiose avec une partition diabolique qui exige du soliste la maîtrise totale de son instrument et des techniques les plus avancées. Emmanuel Pahud, Pascal Rophé et l’Orchestre philharmonique de Radio France ne déçoivent pas.


Transir (2005-2006), également en un seul mouvement, est à la fois l’œuvre la plus ardue et la plus énigmatique de la sélection. Le titre est un hommage à Dominique Troncin (1961-1994) qui n’a pu achever son Transir. «Transir» doit se comprendre dans le sens ancien d’effectuer un passage, une transition. Comme l’œuvre inachevée de Troncin le sera pour l’éternité, c’est l’état d’entre deux, entre l’être et le néant, entre le fini et l’infini. L’hommage de Matthias Pintscher (né en 1971) c’est la pleine vie qu’il accorde à ce titre évocateur. Son concerto n’est pas une élégie mais la transition sublimée, une suite insaisissable de fragments singuliers, d’instants en perpétuel devenir sans devenir réel. Cette «Wanderer-Musik» n’est pas une abstraction dans la mesure où Emmanuel Pahud donne vie à la flûte qui évolue comme un personnage qui se joue de l’autorité et du danger, mobile, rapide, espiègle, taquin, s’accordant peu de répit, son chant plus ample lancé comme un nouveau défi à l’orchestre qui passe de la menace par l’écho et la complicité au silence sans jamais pouvoir égaler ou dominer le vif-argent de l’instrument seul. L’orchestre, dominé par les cordes, comporte une harpe à quarante-sept cordes et une section de percussion importante qui restent principalement dans le registre de la flûte. La partie de flûte est d’une virtuosité extrême exigeant toute la gamme de techniques, effets et traits possibles et résultant en une grande complexité respiratoire. L’aisance et la musicalité du flûtiste, remarquables, permettent le plein épanouissement de ce concerto original. L’orchestre bénéficie de l’éclairage direct du compositeur qui, en tant que chef, apporte toute la cohérence d’une ligne de force certaine.


C’est un enregistrement qui ne manquera pas d’accrocher les amateurs de contemporain mais en même temps le programme gradué est sans doute idéal pour ceux qui s’ouvrent petit à petit à la musique de notre temps. Les trois concertos, équilibrés par la durée, sont de caractère radicalement différent. Quoique tous trois récents, aucun ne présente l’abstraction stérile ou les sonorités abrasives que l’on peut parfois associer à certaines œuvres expérimentales et pourtant aucun ne fuit l’innovation et la recherche et leur originalité est fertile. C’est un bel ensemble et une belle prestation. Emmanuel Pahud est éblouissant.


La page de Marc-André Dalbavie sur le site de l’IRCAM
Le site de Michael Jarrell
Le site de Matthias Pintscher


Christine Labroche

 

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com