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04/18/2010
Frédéric Chopin : Nocturnes

Nelson Freire (piano)
Enregistré à The Friary House, Liverpool (14-21 décembre 2009) – 102’25
Un double album Decca 478 2182 (distribué par Universal) – Notice de présentation en français, anglais et allemand






François Chaplin (piano)
Enregistré en l’église luthérienne du Bon Secours à Paris (21 septembre-2 octobre 2009) – 111’02
Un double album Zig Zag Territoires ZZT100203.2 (distribué par harmonia mundi) – Notice de présentation en français et en anglais







Le Brésilien Nelson Freire et le Français François Chaplin publient quasi-simultanément – et dans le cadre de l’année Chopin – leur intégrale des Nocturnes. Dans les deux cas, on entendra les dix-huit Nocturnes publiés du vivant de Frédéric Chopin (1810-1849), ainsi que le Nocturne en mi mineur (opus posthume), possiblement composé à la fin des années 1820 mais numéroté comme Dix-neuvième nocturne, et le Nocturne en ut dièse mineur (KK IVa/16) de 1830, assimilé à la série en raison de son climat et considéré comme le Vingtième Nocturne. François Chaplin se singularise doublement, en ajoutant à son intégrale – tel Claudio Arrau avant lui – le Nocturne en do mineur (opus posthume), écrit vers 1837 et présenté comme le Vingt-et-unième Nocturne, et en interprétant les pièces dans un ordre original. Il s’explique, dans la notice, sur ce choix, précisant avoir voulu «mettre en valeur l’extraordinaire richesse de ces pages» en imaginant «en fonction des climats et des tonalités un agencement qui n’a d’autre dessein que de souligner la diversité et la modernité» de ces pièces. Et l’on doit reconnaître à François Chaplin une grande sincérité dans l’engagement et une certaine fraîcheur dans l’interprétation. De ces Nocturnes, il livre ainsi une version très subjective, à la rythmique passionnée (Opus 15) et libre (Opus 32), distordant peut-être à l’excès la phrase musicale mais offrant un point de vue original sur le cycle.


La comparaison entre les deux interprètes n’est d’ailleurs pas aussi déséquilibrée qu’on aurait pu le croire. Certes, les enregistrements récents de Nelson Freire sont invariablement touchés par le génie et la grâce (voir ici, par exemple), la présente publication ne dérogeant pas à la règle. Mais, dans ces Nocturnes, les deux pianistes parviennent, en définitive, assez souvent au même résultat. Ils empruntent cependant des chemins fort différents : plus extériorisés pour le Français sur son Yamaha de concert (… lequel résonne malheureusement à l’excès dans une désagréable acoustique de cathédrale), plus intérieurs pour le Brésilien sur son Steinway (splendidement enregistré par l’équipe de Decca), à l’image des deux Nocturnes opus posthume, en mi mineur et en ut dièse mineur , tout aussi hypnotisants chez Freire que chez Chaplin. Ce dernier s’offre même le luxe de prendre davantage aux tripes dans le célèbre Opus 48 n° 1 – l’héroïque Nocturne en ut mineur dédié à Laure Duperré – qu’il aborde vraiment Lento (lui consacrant une minute de plus que Nelson Freire !) et dont le Brésilien exalte un peu moins la fièvre… même si l’on demeure, dans les deux cas, loin de la folie d’une Argerich ou du magnétisme d’un Arrau.


Pour le reste, la magie du toucher de Freire tient le pianiste français à bonne distance (à l’image de cet Opus 48 n° 2 où les deux artistes savent pourtant se faire intensément lyriques). Elle fait merveille dans ce répertoire qui lui convient si bien et auquel il offre comme une nouvelle jeunesse, faisant partout le choix de la liberté : on le comprend dès le Premier nocturne, où une main droite autonome et libre semble jouer avec la main gauche, lui courir après, la taquiner, pour finalement se laisser attraper par elle et contraindre à célébrer d’une seule et même voix la mélodie du si bémol mineur. Par un toucher d’une exceptionnelle délicatesse (comme dans le Nocturne en ré bémol majeur), le Brésilien façonne des aigus qui semblent tout droit sortir du pinceau de Fragonard. Partout, il semble réinventer la structure mélodique (Opus 15 n° 2) et rythmique (Opus 15 n° 3, Opus 55 n° 1) de ces pièces.


L’exemple des deux Nocturnes opus 27 est probablement le plus emblématique de ce qui sépare les deux albums : alors que François Chaplin baigne dans la pédale une main droite qui transpire le romantisme et respire la passion, Nelson Freire – avec des moyens plus économes en muscles et un toucher d’un naturel confondant – est pourtant tout à fait inapprochable dans ces deux pièces qui présentent le magicien brésilien au sommet de son art. Au total, deux versions très personnelles des Nocturnes, qui viennent enrichir une discographie solidement abritée sous les piliers complémentaires des versions d’Artur Rubinstein (RCA) et de Claudio Arrau (Philips).


Le site de Nelson Freire
Le site de François Chaplin


Gilles d’Heyres

 

 

 

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