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01/10/2010
Richard Wagner : Die Walküre

Peter Seiffert (Siegmund), Kurt Rydl (Hunding), John Tomlinson (Wotan), Waltraud Meier (Sieglinde), Gabriele Schnaut (Brünnhilde), Mihoko Fujimura (Fricka), Irmgard Vilsmaier (Gerhilde), Jennifer Trost (Ortlinde), Ann-Katrin Naidu (Waltraute), Anne Pellekoorne (Schwertleite), Sally du Randt (Helmwige), Heike Grötzinger (Siegrune), Marita Knobel (Grimgerde), Ingrid Bartz (Rossweisse), Bayerisches Staatsorchester, Zubin Mehta (direction)
Enregistré en public au Nationaltheater de Munich (juillet 2002) – 225’43
Coffret de 4 CD FARAO classics B 108 040 (distribué par Intégral) – Notice de présentation en français, anglais et allemand






Il y a deux manières d’appréhender cette parution. D’un côté, on se demande l’intérêt de publier, dans un contexte discographique saturé, une Walkyrie un peu transparente et à côté de laquelle on peut sans difficulté aligner une bonne dizaine d’enregistrements plus mémorables et disponibles à meilleur prix. La faute à un accompagnement orchestral assez anonyme, qui ne trahit pas l’œuvre – rendue avec lisibilité et justesse – mais n’y imprime aucun caractère, aucune atmosphère, aucune émotion presque. Aussi fiable qu’homogène, l’Orchestre national de Bavière est pourtant à son aise dans ce répertoire familier, mais la direction léchée de Zubin Mehta semble l’entraîner dans une routine pépère qui n’évite ni d’occasionnelles chutes de tension, ni certains phrasés énigmatiques. En outre, si la prise de son est soignée et d’une confortable richesse, le montage nous impose un vilain fondu sonore à la toute fin du deuxième disque et des raccords, au sein des actes, entre des représentations distinctes qui, s’ils sont réalisés de manière très professionnelle, nous font parfois entendre un même interprète dans une forme vocale subitement différente (la fin du I notamment).


D’un autre côté, on se dit qu’au sein de la riche histoire du chant wagnérien, ce live restera comme le reflet de ce que les années 2000 pouvaient offrir de meilleur dans cette œuvre. La distribution réunie sur la scène du Théâtre National de Munich lors de l’été 2002 apporte, en effet, le témoignage d’une génération d’interprètes expérimentés et mûrs, avec d’anciens piliers de Bayreuth et quelques authentiques wagnériens. Le même été, sur la Colline sacrée, le festival voisin offrait d’ailleurs un casting moins approprié, osant le Wotan d’Alan Titus et la Brünnhilde d’Evelyn Herlitzius, essayant le Siegmund de Robert-Dean Smith et la Sieglinde de Violeta Urmana.


A Munich, le vétéran John Tomlinson donne à Wotan – un personnage qu’il a incarné à Bayreuth une décennie durant (de 1988 à 1998) – une épaisseur et une identité profondément marquantes. Il ne possède pourtant plus tous les moyens du rôle, handicapé qu’il est par des aigus douloureux et un instrument passablement abîmé. Mais tout l’art de ce grand wagnérien est de savoir jouer de ses faiblesses vocales pour en faire le témoin de l’humanisation brutale de son personnage comme le véhicule de son anéantissement: Wotan anéanti par sa femme à l’acte II (avec un invraisemblable «Nimm den Eid!», brisé et sublime) et par son amour pour sa fille à l’acte III (s’abandonnant à l’émotion dès le «So tatest du was so gern zu tun ich begehert»). Tout le deuxième acte est un modèle d’intelligence psychologique dans la traduction d’une colère aussi douloureuse qu’elle est retenue («O heilige Schmach!»), ne s’extériorisant absolument qu’au dernier acte (dans la violence du «aus meinem Angesicht bist du verbannt»). Indéniablement, une grande incarnation moderne de Wotan. Face à lui, la Brünnhilde de Gabriele Schnaut est dans un bon jour: elle réussit son deuxième acte – y compris dans les redoutables «Hojoto!» – avec une certaine pudeur émue dans la deuxième scène et la solennité requise dans la quatrième scène. L’acte III expose plus cruellement les faiblesses d’une voix poussée à bout et d’une incarnation d’une grande dignité mais qui ne marque en rien.


La solidité de la voix virile et riche de Peter Seiffert, à la fois digne et investi, est un vrai bonheur au deuxième acte, où il gère admirablement le lent crescendo de la quatrième scène. Le ténor allemand s’investit avec plus de fougue et moins de maîtrise dans le premier acte, où il s’essouffle du coup trop vite, mis en difficulté dès la deuxième scène par des moyens poussifs et une justesse souvent mise à mal. Son engagement dans le rôle fait néanmoins plaisir à entendre en regard de tant de Siegmund plats et démobilisés entendus sur scène à la même époque. D’autant qu’en face, Waltraud Meier reste souveraine dans la prononciation comme dans la projection de sa voix, une voix elle-même loin d’être irréprochable. Le métier parle, et le tempérament aussi. Outre un instrument qui se consume à mesure que la chanteuse s’engage dans son rôle, on déplore toutefois qu’aux actes II et III, l’interprète confonde à ce point Sieglinde et Kundry.


Autre vétéran, Kurt Rydl a la voix fatiguée, avec son vibrato trop appuyé dans l’aigu et une longueur de note qu’il peine parfois à soutenir; mais il impose d’emblée un caractère vocal et une humanité à Hunding, ce qui est déjà beaucoup. Néanmoins, le prix de cet album, on le tient à coup sûr avec la Fricka de Mihoko Fujimura: à l’inverse de ses vénérables partenaires, la mezzo japonaise est à l’orée de sa carrière wagnérienne dans ce rôle qui l’a révélée. Retrouvera-t-elle un jour ce mélange de noblesse autoritaire et solennelle et d’émotion vibrante qu’on n’entend plus tout à fait de la même manière aujourd’hui? Un grand frisson parcourt en tout cas le deuxième acte de cette Walkyrie munichoise, que Mihoko Fujimura et John Tomlinson marquent de leur empreinte.


Gilles d’Heyres

 

 

 

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