About us / Contact

The Classical Music Network

CD

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

08/13/2009
Gaetano Donizetti : Don Pasquale



Claudio Desderi (Don Pasquale), Mario Cassi (Malatesta), Francisco Garell (Ernesto), Laura Giordano (Norina), Gabriele Spina (Un notaire), Chœur du Théâtre municipal de Piacenza, Orchestra Giovanile Luigi Cherubini, Riccardo Muti (direction), Andrea de Rosa (mise en scène), Gabriele Cazzola (réalisation)
Enregistré à Ravenne (2006) – 124’
Arthaus 101 303 (distribué par Intégral) – Format : 16/9. Region code : 0 (worldwide) – Notice trilingue



Simone Alaimo (Don Pasquale), Marzio Giossi (Malatesta), Norman Shankle (Ernesto), Patrizia Ciofi (Norina), Romaric Braun (Un notaire), Chœur du Grand Théâtre de Genève, Orchestre de la Suisse Romande, Evelino Pidò (direction), Daniel Slater (mise en scène), Don Kent (réalisation)
Enregistré à Genève (mai 2007) – 127’
BelAir classiques BAC033 (distribué par Harmonia mundi) – Format : 16/9. Region code : 0 (worldwide) – Notice en français et en anglais


L’ennuyeux Demofoonte (lire ici), au Palais Garnier, n’a pas donné la meilleure image de l’orchestre de jeunes fondé par Riccardo Muti. On l’apprécie davantage dans ce Don Pasquale présenté au festival de Ravenne – où le maestro a d’ailleurs transporté l’opéra de Jommelli. La musique respire, pétille sous une direction alliant énergie et poésie, qui ne se refuse pas des rubatos charmeurs. Le chef entretient d’ailleurs depuis longtemps une intimité avec l’opéra de Donizetti : il y fit ses débuts salzbourgeois en 1971, l’enregistra en 1988, le reprit à la Scala en 1994 – un DVD existe (TDK). Cela dit, il ne tombe jamais dans les excès du buffo, privilégiant la légèreté et les couleurs. Le trouve-t-on un rien sérieux ? Que dire alors d’Evelino Pidò à Genève ? Non moins précis et soigné, celui-ci dirige un orchestre dont ce répertoire n’est pas le pain quotidien, aux sonorités plus mûres, plus enveloppées, qu’il conduit avec un sérieux parfois compassé, comme s’il s’agissait de Lucia di Lammermoor, insensible à la fois à l’intimisme et à l’esprit buffo de la partition, si bien que la musique languit parfois et que l’ennui guette – dans le finale du deuxième actes, par exemple, si enlevé chez Muti.


Côté chanteurs, l’avantage ne va pas non plus forcément à la production genevoise. Certes la Norina de Patrizia Ciofi ne peut se comparer à celle de Laura Giordano, pas toujours si fraîche, pas très sûre dans la vocalise, trop corsetée dans son chant. Excellente comédienne de surcroît, au point d’en faire parfois trop, Ciofi, si elle paraît un rien instable dans son air d’entrée, montre ensuite une tout autre aisance, une plus grande intimité avec Donizetti surtout, qu’elle chante en vraie belcantiste, un rien trop tendue pour le rôle cependant – il est vrai qu’elle fait parfois de Norina une sorte de féministe enragée. Ernesto, en revanche, révèle un Norman Shankle limité – n’oublions pas qu’il remplaçait Juan José Lopera : la voix est homogène, mais le chant reste appliqué, voire scolaire, avec une Sérénade sans grâce au dernier acte. Du coup, on lui préfère Francisco Garell, pour son joli timbre et la délicatesse de son phrasé, malgré une certaine timidité dans les passages de vaillance et, en général, une interprétation que l’on souhaiterait plus aboutie. Pour Malatesta, pas de doute : Marzio Gossi, chez Pidò, assume laborieusement le chant syllabique rapide et la colorature, avec des phrasés frustes ; Mario Cassi, certes encore vert vocalement, presque plus baryténor que vraiment baryton, fait montre d’une précision et d’une assurance très prometteuses dans l’articulation et la vocalisation, qui rendent le duo avec Don Pasquale, au troisième acte, plus piquant à Ravenne. On mettra enfin à égalité les deux barbons, Claudio Desderi et Simone Alaimo n’ayant guère à s’envier du point de vue stylistique, tout aussi attentifs à préserver les droits du chant, le second peut-être plus impeccable dans l’articulation, plus rossinien d’esprit – ce qui n’a rien d’étonnant de sa part -, moins barbon aussi du fait d’une voix moins usée, moins bouffe, autant de différences qui tiennent aussi à l’approche de chacun des chefs. Mais l’un n’est pas moins pathétique que l’autre lorsqu’ils connaissent les affres du vieillissement et se voient humiliés par la gifle d’une femme qui, comme plus tard chez Strauss, cesse vite d’être soumise et silencieuse.


On connaît le peu d’appétence de Riccardo Muti pour les audaces de mise en scène. On ne sera donc pas surpris qu’Andrea de Rosa se situe au plus près de la musique, qu’il dirige les chanteurs sans les contraindre, quitte à laisser leur jeunesse un peu empruntée, en particulier dans le cas d’Ernesto, alors que Desderi, en vétéran des scènes lyriques, n’a guère besoin d’être guidé – il fut, entre autres, le Leporello de Strehler à la Scala, déjà avec Muti. Mais l’esprit de l’œuvre est là, justement restitué, jamais appuyé, avec d’heureux effets de théâtre dans le théâtre, de jolies couleurs, de beaux contrastes entre ombre et lumière. Hôte régulier du Grand Théâtre, Daniel Slater va évidemment plus loin. Nous voici dans les années folles, Malatesta lit Freud, Norina s’émancipe en s’adonnant à la peinture, on passe d’un Café des artistes parisiens à un appartement cossu chargé de toiles de Mondrian : seul Don Pasquale, homme d’un autre temps, garde ses habits XIXe. La direction d’acteurs s’avère aussi infiniment plus fouillée, comme si chaque mot, chaque note devait trouver son équivalent dans le jeu des chanteurs – quitte à sombrer dans le ridicule quand Ernesto achève son air du deuxième acte en se brossant les dents. Le metteur en scène semble avoir peur du vide, demandant sollicitant sans cesse tout le monde, jusqu’à des figurants parfois inutiles, comme au Café du premier acte. Une fois admirés les décors et les costumes de Francis O’Connor, on a le sentiment que ce mouvement perpétuel relève d’une virtuosité un peu creuse, qu’il y a plus d’agitation que de rythme, que la machine tourne à vide et que, finalement, manque la vis comica, ressort même de l’opéra de Donizetti.


Didier van Moere

 

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com