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07/30/2009
Georg Friedrich Händel : Royal Fireworks Music HWV 351 (&) – Water Music HWV 348 (&) – Concerti grossi opus 6 n°s 2, 4, 5, 8 et 11 (#) – Messiah HWV 56 (§)

Isobel Baillie (soprano), Gladys Ripley (alto), James Johnston (ténor), Norman Walker (basse), Harry Mortimer (trompette) (§), Edward Cooper (orgue) (§), Huddersfield Choral Society (§), Berliner Philharmoniker (&), Südwestdeutsches Kammerorchester (#), Liverpool Philharmonic Orchestra (§), Fritz Lehmann (&), Paul Angerer (#), Malcolm Sargent (§) (direction)
Enregistré en 1946 (Messie), 1954 (Water Music, Royal Fireworks Music) et 1973-1974 (Concerti grossi) – 283’12
Coffret de quatre disques Designo 222512-354 (distribué par Intégral) – Notice bilingue (allemand et anglais) de Friedrich Rochlitz






Le deux cent cinquantième anniversaire de la mort de Georg Friedrich Händel (1685-1759) est l’occasion de s’attacher à ce coffret rassemblant plusieurs œuvres-phare du compositeur saxon. Ne serait-ce que cela, on pourrait, au regard des discographies pléthoriques existantes, se dispenser d’y accorder la moindre attention, a fortiori d’y jeter la moindre oreille. Or ce serait une erreur car les interprétations ici rassemblées méritent d’être connues même si, on va le voir, elles sont aujourd’hui totalement hors de propos, révolution de l’interprétation baroque aidant.


Fritz Lehmann (1904-1956) reste célèbre pour avoir été un chef d’orchestre touche-à-tout, dirigeant aussi bien les compositeurs du XXe siècle (Falla, Pfitzner) que les romantiques (on écoutera avec attention notamment une explosive Huitième symphonie d’Anton Dvorak à la tête de l’Orchestre symphonique de Bamberg, une non moins remarquable Rosamunde de Schubert à la tête de l’Orchestre philharmonique de Berlin et une célèbre version du Deutsches Requiem de Brahms) ou les compositeurs baroques. Directeur du Festival Händel de Göttingen de 1934 à 1944, il renonce à son poste en raison de tensions avec l’administration nazie ; il reprend la direction du festival de 1946 à 1953 mais meurt prématurément lors d’un concert où il dirigeait la Passion selon saint Matthieu de son cher Johann Sebastian Bach (dont il a laissé nombre d’enregistrements de cantates tout à fait dignes d’intérêt). Lehmann dirige ici les deux pages orchestrales les plus célèbres de Händel à la tête de l’Orchestre philharmonique de Berlin. Quand bien même on ne peut remettre en cause la sincérité de l’interprétation, force est de constater que celle-ci s’avère fortement datée et fait aujourd’hui sourire. Dans la Royal Fireworks Music, Lehmann use (et abuse) du legato des cordes de Berlin, respectant toutes les reprises (notamment dans la « Réjouissance »), et conférant ainsi à cette musique une emphase hors de propos. La Water Music souffre essentiellement d’une excessive lenteur (l’Ouverture ou l’Andante notamment) sans compter de fréquents problèmes de justesse et un clavecin aux sonorités métalliques. Enfin, on s’étonne de certaines options qui instaurent un climat étrange dans plusieurs passages : que signifient cette battue à trois temps, excessivement marquée, dans le premier Menuet ou ces pizzicati de cordes qui donnent au trio du deuxième Menuet un effet aussi caricatural ?


Peut-être plus au fait de ce type de répertoire, Paul Angerer (né en 1927), également compositeur, est surtout connu pour avoir été un des principaux chefs à diriger l’Orchestre symphonique de Vienne (petit frère du Philharmonique) où il a joué comme altiste à partir de 1946 et qu’il a notamment conduit dans de très belles interprétations de concertos pour piano de Mozart, Alfred Brendel étant soliste. Pour autant, on ne ressort pas très convaincu de sa présente gravure de plusieurs concertos issus de l’Opus 6 de Händel. Une fois encore, ce dernier nous épate : douze concertos composés entre le 29 septembre et le 30 octobre 1739 qui, contrairement à une habitude prise à l’époque, ne font que peu d’emprunts à des œuvres antérieures (même si le Neuvième concerto s’inspire du Concerto pour orgue HWV 295 et le Onzième du Concerto pour orgue HWV 296… Angerer conduit ces concertos avec beaucoup de conviction mais le legato des cordes (le Larghetto du Cinquième concerto en ré majeur HWV 323 grandiloquent à souhait !), la raideur des articulations (le second Allegro du Quatrième concerto en fa mineur HWV 322) et un clavecin omniprésent nous renvoient aux canons d’une interprétation qui, depuis longtemps déjà, ont quitté nos oreilles. On appréciera néanmoins la légèreté et l’engagement des violons (Allegro du Deuxième concerto en fa majeur HWV 320) ainsi que l’atmosphère particulière conférée à tel ou tel passage (ainsi, une magnifique Allemande au début du Huitième concerto en ut mineur HWV 326).


Morceau de choix pour compléter ce coffret, Le Messie, oratorio composé entre la fin du mois d’août et la mi-septembre 1741 sur un livret de Charles Jennens (1700-1770). Sa création triomphale fut le début d’un succès qui a perduré, donnant lieu à de multiples interprétations toutes plus différentes les unes que les autres que ce soit du point de vue des effectifs requis ou de l’atmosphère instillée. En l’espèce, Malcolm Sargent (1895-1967) dirige le Liverpool Philharmonic Orchestra, dont il présida aux destinées de 1942 à 1948, dans une interprétation datant de 1946 (même si la notice s’avère muette sur ce point, on ne peut exclure qu’il s’agisse d’une prise de concert). Sargent était réputé pour remanier le cas échéant les partitions qu’il dirigeait ; ici, on ne peut que le regretter tant les changements s’avèrent parfois iconoclastes. Ainsi, saviez-vous que, dans son Messie, Händel a eu recours aux clarinettes (dans le chœur « And the glory of God », première partie) ? Au-delà de ces points de détail, l’interprétation de Sargent s’avère globalement très raide et, surtout, emphatique au possible (le début de l’oratorio ou la fin du célèbre chœur « For unto us a child is born »). Ici ou là, on relèvera également un sens du legato extrêmement prononcé qui, en imposant un son constamment lisse, en vient à gommer les changements rythmiques (ceci est frappant dans le beau passage « All they that see Him », dans la deuxième partie, où les oscillations des cordes ont totalement disparu). En plus d’une occasion, Malcolm Sargent privilégie la dramatisation excessive de l’œuvre quitte à en gommer l’esprit : le grandiose supplante le recueillement (le début de la deuxième partie est exemplaire de ce point de vue). C’est la raison pour laquelle les chœurs de la Huddersfield Choral Society se cantonnent assez souvent dans la pleine puissance vocale : ainsi, l’écoute du « Surely He hath borne our griefs » s’apparente davantage au « Confutatis » du Requiem de Mozart qu’à un chœur propre aux oratorios baroques. Le résultat n’en demeure pas moins poignant ! Les solistes vocaux, handicapés par une médiocre prise de son, sont tout juste à la hauteur des exigences de la partition, y compris la soprano Isobel Baillie, pourtant spécialiste de la partition qu’elle aurait interprétée à près de mille reprises. Seule la basse Norman Walker relève le défi, notamment dans un éclatant « The trumpet shall sound » (dans la troisième partie).


Il est toujours intéressant de connaître les « grands anciens » pour prendre la pleine mesure de l’évolution de l’interprétation qui a pu affecter telle partition ou tel répertoire. En l’espèce, il est évident que l’on se retrouve plongé dans une époque qui a définitivement été balayée par les Harnoncourt, Gardiner, McCreesh et autres Hogwood : de ce fait, ces disques, s’ils revêtent un incontestable intérêt historique, sont, du strict point de vue musical, devenus totalement anecdotiques…


Sébastien Gauthier

 

 

 

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