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07/21/2009
Antonio Vivaldi : La Fida Ninfa RV 714

Sandrine Piau (Licori), Verónica Cangemi (Morasto), Marie-Nicole Lemieux (Elpina), Lorenzo Regazzo (Oralto), Philippe Jaroussky (Osmino), Topi Lehtipuu (Narete), Sara Mingardo (Giunone), Christian Senn (Eolo), Ensemble Matheus, Jean-Christophe Spinosi (direction)
Enregistré en l’église Notre-Dame du Liban, Paris (avril-mai 2008) – 189’39
Coffret de trois disques Naïve/Opus 111 OP 30410 – Notice et traduction trilingues des textes chantés (français, anglais, italien) de Frédéric Delaméa






Patiemment, la collection Vivaldi Edition diffusée par les éditeurs Opus 111 et Naïve se poursuit et s’enrichit avec une constance dans l’excellence. Après Orlando Furioso, Tito Manlio et Griselda, entre autres, et en attendant un prometteur Farnace qui doit paraître au mois de septembre prochain sous la direction de Jordi Savall, voici donc La Fida Ninfa. Cet opéra fait partie des œuvres de la maturité d’Antonio Vivaldi (1678-1741) puisqu’il fut composé au cours de l’année 1731 alors que le compositeur voyageait à travers l’Europe. Créée lors de l’inauguration du Teatro Filarmonico de Vérone le 6 janvier 1732, cette nouvelle composition précède de quelques mois un autre chef-d’œuvre oublié, Sémiramis, qui sera donné à Mantoue la même année. Si l’intrigue présente peu d’intérêt, la partition en recèle en revanche beaucoup, à commencer par des récitatifs extrêmement développés, pleinement dramatiques, qui donnent une incontestable épaisseur à la trame du récit. Du strict point de vue musical, c’est une merveille absolue : on se demande d’ailleurs comment cet opéra a pu rester si longtemps dans l’oubli.


La partition révèle en premier lieu une orchestration extrêmement soignée même si elle n’atteint pas la diversité et la richesse que l’on peut entendre dans Tito Manlio ou Farnace. Comme à son habitude, et comme il a eu l’occasion de le démontrer à de multiples reprises dans ses concertos, Vivaldi emploie ici une assez grande variété d’instruments qui illustrent aussi bien la bravoure (l’intervention des trompettes dans l’air d’Oralto, à la fin de la scène 1 du premier acte, où celui-ci proclame notamment que le monde appartient aux plus forts, « Tutto il mondo è del più forte ») que la fraîcheur d’un discours évoquant les fleurs et les jeunes filles (les flûtes et la mandoline accompagnant la douce voix d’Elpina à la scène 11 de l’acte III). Si l’on peut également mentionner la belle cavalcade des cors dans la « Sinfonia » du troisième acte, on retiendra surtout, comme souvent pourrait-on dire, l’intervention des cordes, une fois encore particulièrement chéries par la partition. La générosité explose dans leurs interventions (l’air de Morasto à la scène 2 de l’acte I !), renforcée par le dynamisme de la direction de Spinosi qui, comme personne, sait parfaitement doser le volume selon la situation dramatique. Par ailleurs, Vivaldi, plus que jamais homme de théâtre, joue de façon virtuose sur les contrastes, alliant ainsi la très grande délicatesse, voire la fragilité, des cordes avec la voix d’Oralto, elle pleine de puissance et de force : le contraste, absolument saisissant, est fabuleux (« Perdo ninfan ch’era una dea », acte III, scène 9). Autre exemple de cette merveilleuse alliance entre l’instrument et la voix, l’aria de Licori au troisième acte, « Dalla gioia, e d’all’amore » : comment peindre les suffocations du cœur, le souffle court du personnage si ce n’est par le biais de ces magnifiques hésitations rythmiques dont l’effet est absolument renversant ? Enfin, on signalera avec amusement la mélodie de l’aria « Il mio core, a chi la diede » au début du deuxième acte qui préfigure à la note près la chanson populaire « Ah vous dirais-je maman » pourtant composée en 1771.


Que serait un opéra sans voix susceptibles de le servir au mieux ? Inutile de dire que le plateau ici réuni est idéal tant du point de vue individuel (il faut signaler que, comme souvent chez Vivaldi, les ensembles sont ici peu nombreux, le compositeur préférant les arias pour voix soliste ou, à la rigueur, pour deux chanteurs) que du point de vue de l’ambiance qui ressort de l’enregistrement. Aucun doute à avoir : on a ici affaire à une véritable équipe et cela s’entend du début à la fin. Si chaque chanteur mérite à lui seul d’être remercié pour ses interventions, on signalera notamment la virtuosité vocale dont font preuve Sandrine Piau (« Alma oppressa da sorte crudele », concluant la scène 9 du premier acte) et Veronica Cangemi, étourdissante dans son « Destin avaro » où, incarnant Morasto, elle pleure de voir son ancienne dulcinée, Licori, céder aux avances d’Osmino (acte II, scène 10). Lorenzo Regazzo campe un Oralto tyrannique à souhait, parfois capable de quelques magnifiques digressions sentimentales (sa cavatine « Ami la donna imbelle » concluant de façon enlevée la sixième scène de l’acte II). Quant à Philippe Jaroussky (Osmino), il donne encore une fois le meilleur de lui-même : il suffit d’écouter le duo avec Elpina (Marie-Nicole Lemieux), à l’acte I (scène 3), pour tomber définitivement sous le charme d’une partition redoutable mais proprement réjouissante pour les chanteurs. A cet égard, le quatuor final de l’acte II privilégie à un point inégalé le jeu vocal (« Cosi, su gl’occhi miei ? ») de sorte que les difficultés disparaissent immédiatement au profit du seul plaisir de l’oreille.


Au final, Jean-Christophe Spinosi et ses amis prouvent qu’ils comptent parmi les meilleurs interprètes de Vivaldi à l’heure actuelle. Réhabilitant ici un authentique chef-d’œuvre, on ne peut que souhaiter la multiplication de leurs gravures au sein de la Vivaldi Edition dont on attend avec impatience les prochains volumes.


Le site de Marie-Nicole Lemieux
Le site de Philippe Jaroussky
Le site de l’Ensemble Matheus


Sébastien Gauthier

 

 

 

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