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05/15/2009
Karol Szymanowski : Concertos pour violon n° 1, opus 35 [1], et n° 2, opus 61 [2]
Benjamin Britten : Concerto pour violon, opus 15 [3]

Frank Peter Zimmermann (violon), Orkiestra Filharmonii Narodowej w Warszawie, Antoni Wit [1, 2], Sveriges Radios Symfoniorkester, Manfred Honeck [3]
Enregistré à Stockholm (2004 [3]) et à Varsovie (10 et 11 septembre 2006 [1] & mai 2007 [2]) – 76’25
Sony 886974399926 – Notice trilingue





Le Premier Concerto pour violon (1916) de Szymanowski est le premier concerto pour violon impressionniste, avec celui de Delius, composé la même année. Ce nocturne à la fois onirique et dionysiaque était destiné, comme le Second, à son ami le grand Paul Kochański, qui en écrivit la cadence. Héritier de toute une tradition polonaise d’interprétation, disciple d’Henryk Czyz, Antoni Wit en restitue avec un grand bonheur l’atmosphère chatoyante et extatique, sans en éluder l’ivresse rythmique qui en fait une authentique bacchanale. La difficulté de cette œuvre d’un seul tenant réside entre autres dans ses enchaînements : le chef polonais les réussit parfaitement, fondant les sections les unes dans les autres, dans un respect scrupuleux de toutes les nuances, ce qui permet à la musique d’avancer sans donner l’impression de discontinu. La beauté fluide de la pâte sonore – magnifique Philharmonie de Varsovie – souligne la sensualité torride de la musique, qui reste d’une clarté quasi chambriste. L’enregistrement a été réalisé les 10 et 11 septembre 2006, alors que le chef et l’orchestre avaient enregistré l’œuvre pour Naxos les... 8 et 10 septembre 2006. Les interprétations sont pourtant différentes : la première version est plus statique et plus extatique, la seconde plus mobile, plus frémissante. Et Frank Peter Zimmermann surpasse l’excellent Ilya Kaler : la sonorité est aussi pure que raffinée, d’une rondeur sensuelle mais jamais sirupeuse, avec un suraigu superbement timbré – la « carte de visite » de Kochanski autrefois ; le violoniste, de plus, s’intègre parfaitement à l’orchestre sans s’y noyer, pierre d’achoppement de cette œuvre d’une vingtaine de minutes s’apparentant, plutôt qu’au concerto proprement dit, au poème symphonique avec violon.


Enregistré huit mois plus tard, le Second Concerto (1933), dont Szymanowski écrivit la partie de violon « en collaboration avec Paul Kochanski », est d’une autre veine, avec sa coupe plus classique, ses emprunts stylisés au folklore des Tatras et ses sonorités plus crues. Cela dit, il ne constitue pas l’antithèse du Premier, qu’il rejoint par son mouvement unique, sa durée et son lyrisme brûlant. Légèrement plus rapide là aussi que dans l’enregistrement Naxos, Antoni Wit, justement, l’enchaîne au précédent plus qu’il ne l’y oppose, n’asséchant jamais une sonorité qu’il veut toujours aussi généreuse, n’hésitant pas à retrouver parfois l’onirisme extatique du Szymanowski impressionniste alors qu’il en exalte la franchise rythmique qui situe la partition dans le sillage du ballet montagnard Harnasie, jusqu’à une coda jubilatoire et dionysiaque. Frank Peter Zimmermann y est aussi inspiré que dans le Premier Concerto, notamment dans une cadence qu’il intègre parfaitement à l’ensemble, plus romantique comme l’exige la partition – le compositeur la qualifiait lui-même ainsi.


Le peu connu Concerto pour violon de Britten, plus proche d’un néoclassicisme encore dans l’air du temps (1939), s’imposait-il ici ? L’air du temps, d’ailleurs, se chargeait de miasmes délétères et le Moderato con moto initial rend hommage aux victimes de la guerre d’Espagne, Britten le pacifiste montrant déjà à quel point le marquent les cruautés de l’histoire. Nous sommes donc loin de l’hédonisme szymanowskien et les rapports entre le soliste et l’orchestre sont aussi beaucoup plus conflictuels, conformément à une certaine tradition – l’écriture du violon est tellement virtuose que Jascha Heifetz déclara le Concerto injouable. On serait d’ailleurs curieux de savoir ce que Britten pensait du Second Concerto de Szymanowski, qu’il a dû entendre au festival de la SIMC de Barcelone en avril 1936, où il créa sa propre Suite pour violon et piano. Le couplage permet justement de mesurer la diversité de la création musicale avant la Seconde Guerre mondiale. Frank Peter Zimmermann, avec la même sûreté d’archet, joue cette fois le jeu de la virtuosité, sans sécheresse, allant au-delà du néoclassicisme pour retrouver le lyrisme incandescent de Britten, alors que, pour certains, le savoir-faire apparaît davantage que l’inspiration. L’œuvre, en tout cas, met merveilleusement en valeur la profondeur colorée de la sonorité du violoniste, ainsi que sa stupéfiante aisance dans le grimaçant Vivace – le compositeur anglais n’y oublie pas la Lady Macbeth, découverte trois ans auparavant, de son futur ami Chostakovitch. Remarquable de précision et d’énergie, Manfred Honeck galvanise visiblement l’orchestre suédois, qu’il fait osciller entre le rêve et le cauchemar, avant que la douloureuse Passacaille finale ne s’achemine vers les clartés apaisées de ses dernières mesures, où soliste et chef communient dans une sorte d’extase.


Un disque splendide.


Didier van Moere

 

 

 

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