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03/31/2009
Bohuslav Martinu : Trio à cordes n° 1, H. 136 (+) – Musique de chambre n° 1, H. 376 – Quatuor avec piano, H. 287 (#) – Quintette à cordes, H. 164 (*)
H. 136

Ensemble Calliopée: Julien Hervé (clarinette), Maud Lovett, Saskia Lethiec (# *) (violon), Karine Lethiec, Odile Auboin (*) (alto), Romain Garioud (+), Florent Audibert (violoncelle), Sandrine Chatron (harpe), Frédéric Lagarde (piano) – Olivier Segard (réalisation)
Enregistré à Villefavard (23-26 octobre 2008) – 71’14 + 27’13 (documentaire)
Album comprenant un disque et un «dual disc» Alpha 143 (distribué par Harmonia mundi)






«H. 136»: en forme de nom de code, le titre de ce double album fait référence au numéro que porte, dans le catalogue établi par Harry Halbreich, le Premier trio à cordes (1924) de Martinu. Un Second trio suivit dix ans plus tard, mais il ne connut pas l’histoire mouvementée de son prédécesseur. Achevé le 15 janvier 1924 à Paris, le Premier trio y fut semble-t-il donné à deux reprises. En vue d’une exécution qui eut lieu en janvier 1925, l’unique exemplaire du manuscrit partit ensuite pour Prague. Halbreich indique qu’on pouvait encore en trouver le matériel à la Radio de Prague à la fin des années 1930, avant que le Troisième Reich n’envahisse la Tchécoslovaquie. Et c’est entre les mains d’un antiquaire allemand, Hans Schneider, que l’œuvre refait surface en 1978, lorsqu’il la vend à la Bibliothèque royale de Copenhague, cet intérêt inattendu de l’institution danoise pour la musique d’Europe centrale devant être attribué à l’origine hongroise de la personne alors en charge des acquisitions.


Toujours est-elle que c’est là que la partition fut découverte en 2005 par la musicologue Eva Velicka, qui en assura aussitôt l’édition pour Bärenreiter et en permit ainsi la re-création à Prague dès le mois de décembre de la même année par des membres du Quatuor Zemlinsky. L’Ensemble Calliopée, dont la directrice musicale, l’altiste Karine Lethiec, est l’épouse du compositeur tchèque Krystof Maratka, a eu à cœur de faire redécouvrir ce Trio au public parisien, en janvier 2008, au conservatoire de la rue de Madrid, non loin du studio où Martinu l’avait écrit. Nouveau retour de l’histoire, le présent enregistrement – première mondiale – a été effectué à Villefavard, dans le Limousin, où Charles Münch, en juin 1940, hébergea les Martinu, qui fuyaient l’avance nazie.


Les témoignages recueillis au cours des vingt-sept minutes de H. 136, documentaire de Karine Lethiec (en français, anglais, allemand et tchèque, sous-titré dans ces mêmes langues), racontent tout cela, et même un peu plus, grâce aux images à la fois paisibles et soignées du réalisateur Olivier Segard. Associant ce documentaire au Premier trio et à trois autres œuvres de Martinu, le «projet H. 136» est dédié à Guy Erismann (1923-2007), parrain de l’Ensemble Calliopée et auteur d’une monographie du compositeur (Actes Sud). En cette année où l’on célèbre le demi-siècle de sa disparation, une telle publication, d’ailleurs soutenue par le programme culturel «Martinu revisited» (2009-2010), est tout particulièrement bienvenue, d’autant que sa présentation est remarquablement aboutie (hormis l’orthographe fluctuante de «Calliopée»…): illustration par un tableau exactement contemporain de Jan Zrzavy (1890-1977), né la même année que Martinu et également venu travailler à Paris, et notice de Halbreich lui-même (en français, anglais et allemand).


Mais le jeu en valait-il la chandelle? Autrement dit, nonobstant l’enthousiasme coutumier d’Halbreich, ne serait-ce pas beaucoup de bruit pour une trouvaille mineure, comme on le fait systématiquement face à la moindre portée derrière laquelle on pense avoir détecté la signature de Bach, Mozart ou Beethoven? Il n’en est absolument rien. Sans pouvoir pour autant parler de «premier chef-d’œuvre» de Martinu – quid, dès lors, des Nuits magiques? – ou même simplement de «première de ses pièces à trahir une influence française» – Istar suffirait à le démentir –, il s’agit en tout cas indéniablement du premier travail entrepris à Paris, où il était arrivé en octobre 1923 pour suivre l’enseignement de Roussel. Bien davantage, les trois mouvements de ce Premier trio, marquent un tournant capital dans sa production, dès ses premières semaines françaises, annonçant ainsi les grandes pages chambristes qui n’allaient pas tarder à suivre, en particulier le Deuxième quatuor.


Voilà qui suffirait à notre bonheur, mais le programme, au-delà de ces dix-huit minutes, ne s’adresse pas qu’aux inconditionnels de Martinu: comme le remarque Halbreich, au «3» viennent s’ajouter «4, 5, 6», l’Ensemble Calliopée se déployant jusqu’au sextuor, en passant par le quatuor et le quintette. Le célèbre Quatuor avec piano (1942), l’une des premières compositions nées lors de l’exil américain, n’a pourtant guère été illustré au disque. C’est a fortiori le cas du revigorant Quintette à cordes (1927), d’une veine proche de celle du Premier trio à cordes, et de l’ultime et énigmatique Musique de chambre n° 1 (1959), sextuor étrange tant par son effectif inédit (clarinette, trio à cordes, harpe et piano) que par son titre inapproprié et dépourvu de signification. «Numéro 1»? Non seulement il n’y a pas de «numéro 2» mais Martinu, qui voyait dans ces trois brefs mouvements une «véritable musique de nuit», possédait bien évidemment déjà un très grand nombre de «musiques de chambre» à son actif. L’essentiel est toutefois que ces vingt minutes mystérieuses et subtilement instrumentées, décantées comme les derniers triptyques symphoniques (Paraboles, Estampes), moins immédiatement radieuses et expressives que le Second nonette qui les précède tout juste, puissent bénéficier ainsi d’une meilleure (re)connaissance.


Le site de l’Ensemble Calliopée


Simon Corley

 

 

 

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