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02/04/2009
Conlon Nancarrow : Studies for Player Piano n° 9, n° 6, n° 4, n° 3B, n° 3C, n° 3D, n° 15, n° 14, n° 18, n° 19 et n° 26 (transcription pour piano à quatre mains) – Three Canons for Ursula – Tango? – Three Two-Part Studies – Prelude – Blues – Sonatina

Helena Bugallo, Amy Williams (piano)
Enregistré en 2004 – 62’
Wergo 66702 (distribué par DistrArt) – Notice (en allemand et anglais) essentiellement centrée sur le projet du duoaméricano-argentin et l’historique des pièces






Un disque passionnant. Voilà ce qu’a enregistré le duo américano-argentin composé d’Amy Williams et de Helena Bugallo. Certes Conlon Nancarrow peut être assimilé aux yeux de certains à un fossoyeur du piano, du piano objet de la civilisation bourgeoise comme l’a analysé Max Weber. En effet, avec cet auteur, connu finalement depuis peu, né Américain en 1912, communiste au point de traverser l’Atlantique, de s’engager dans la brigade Abraham Lincoln durant la guerre d’Espagne et de perdre la nationalité américaine, et mort Mexicain à Mexico en 1997, le monstre, l’orque laqué, aux quatre-vingt huit dents noires et blanches, a avalé le pianiste. Poursuivant le mouvement entamé par le développement du pianola (ou piano mécanique), né au début du siècle dernier et mort dans les années vingt, qui permit qu’aujourd’hui on puisse avoir une idée du jeu de Debussy, il avait conçu des partitions directement intégrées sur des rouleaux perforés. Il avait même fait fabriquer une machine spéciale pour perforer les rouleaux, le résultat étant une œuvre quasiment injouable par l’être humain. Mais une œuvre majeure.


Les arrangements et transcriptions, admis du bout des lèvres par Nancarrow, figurant sur le disque permettent de lui rendre pleinement justice. Les arrangements pour piano à quatre mains des partitions écrites pour pianola seul se font évidemment au prix du ralentissement des rythmes et de l’atténuation du caractère staccato des œuvres originales que l’auteur voulait parfois durcir par l’emploi de cuir sur les marteaux. Mais ils permettent de dégager toute l’originalité et la finesse de vingt-trois courtes pièces qui, par le retour des nuances, sont constamment passionnantes. Apparemment révolutionnaires, il s’avère que ces pièces puisent leurs sources dans la tradition occidentale la plus classique et même baroque au travers de canons et d’écritures fortement contrapuntiques. Nancarrow n’utilise pas la caisse de résonance du piano comme George Crumb (qui au fond fait torturer et avaler le piano par le pianiste) mais la multiplicité de ses forces de frappe au travers d’un syncrétisme, sans doute lié à son isolement et son indépendance d’esprit, assez fascinant.


Il s’agit pour l’essentiel d’Etudes composées entre 1949 et 1960. Après Chopin, Liszt, Alkan, Scriabine, Debussy, Rachamaninov, et d’un certain point de vue Bartók (Mikrokosmos), Nancarrow avait voulu apporter sa pierre à l’édifice, voire au fond l’achever, le genre faisant référence à une recherche systématique de difficultés pianistiques au travers de pièces autant brèves que brillantes. Il n’est d’ailleurs pas mort puisque Pascal Dusapin s’est attelé aussi à la tâche. L’ensemble, à l’indéniable unité, fait clairement penser à cet autre monument du piano du vingtième siècle: les jouissives et brillantissimes Etudes composées à partir de 1985 par, cette fois, une victime du communisme, György Ligeti, l’influence du jazz s’y faisant peut-être plus sentir, surtout dans les premiers volets de la cinquantaine d’Etudes de Nancarrow. L’Etude n° 6 aux rythmes syncopés, vaguement hispanisants, alternant majeur et mineur, est d’un charme fou. La beauté de l’Etude n° 26 a la force de la Musique pour cordes, percussion et célesta de Bartók. Le legato est limité, par définition, et on se demande comment les artistes ont pu placer leurs mains sur le même clavier mais le résultat ne donne nullement l’impression ennuyante de sortir d’une machine.


Les solos écrits initialement pour piano ... «humain» et qui achèvent le disque, à la durée un peu chiche, et que se partage le duo sont, pour leur part, d’une richesse harmonique et d’une complexité impressionnantes notamment les Canons dédiés à la pianiste Ursula Oppens en 1988. On relèvera parmi eux le bondissant Prélude de 1935 lequel annonce Ligeti d’une façon prémonitoire. A ce titre, il fait partie d’un ensemble que l’on peut qualifier d’historique et qu’il conviendra à l’avenir de réévaluer à sa juste place. Le disque complète en tout cas de la plus intelligente des façons les cinq volumes déjà publiés chez Wergo rassemblant les œuvres sortant d’un pianola et supervisées par Nancarrow lui-même.


Le site du duo Bugallo-Williams


Stéphane Guy

 

 

 

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