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12/11/2008
Ildebrando Pizzetti : Requiem per sole voci
Knut Nystedt : Missa Brevis
Herbert Howells : Requiem à double chœur

Virgile Ancely (baryton), Chœur Stella Maris, Ensemble Vocal LuxÆterna, Olivier Bardot (direction musicale)
Enregistré à Paris (2008) – 63’38
Disque disponible sur le site de Stella Maris (distribué par Intégral) – Notice de présentation en français





Fondé en 2001 par son directeur musical, Olivier Bardot, le jeune chœur Stella Maris est un ensemble amateur à vocation professionnelle d’une cinquantaine de chanteurs de haut niveau à la voix expérimentée et à la technicité sûre. Le chœur participe au programme d’action musicale Tenso, lancé en 2004 par Laurence Equilbey, Daniel Reuss et Geoffroy Jourdain, et bénéficie ainsi du travail de recherche et d’interprétation de nombreux chœurs européens tout en partageant les fruits de leurs propres recherches. Stella Maris s’investit principalement dans le répertoire a capella des deux siècles derniers et s’attache à faire découvrir le méconnu et l’inédit jusqu’aux créations contemporaines.


Il propose ici trois pièces polyphoniques qui relient le XXe siècle à la tradition. De trois générations et de trois pays européens différents, les trois compositeurs ont en commun l’intérêt qu’ils portent à la complexité polyphonique, à la coloration modale et à la ligne mélodique. Les trois ont écrit beaucoup de musique chorale, a capella ou accompagnée.


Ildebrando Pizzetti (1880-1968) a découvert la polyphonie de la Renaissance au moment de ses études au Conservatoire de Parme, heureux retour, ouvert sur un esprit contemporain, éloigné du bel canto et du vérisme alors prédominants. Le Requiem per sole voci de 1922 s’inscrit dans la tradition du requiem tout en exploitant certains aspects de celle du madrigal sans se refuser une originalité innovante. Le compositeur exploite les différentes possibilités d’un ensemble vocal, variant sans cesse l’effectif choral, faisant appel à deux sinon trois chœurs, divisant les pupitres. L’impression de relief qui en résulte est encore augmentée par son écriture rigoureuse dont la haute densité polyphonique glisse, notamment pour les «Hosanna» du «Sanctus», vers un développement mélodique, homorythmique et apaisé. Dans le souci de mettre en valeur le sens profond du texte, Pizzetti joue également sur la modulation (le sombre devient rayonnant), les frottements harmoniques et d’étonnants effets d’écho et de résonance. Le compositeur met l’accent sur les mots essentiels d’un requiem qui célèbre la lumière et la sérénité de la protection céleste plutôt qu’un affrontement douloureux entre la vie et la mort, les deux points d’ancrage étant «Dona eis requiem æternam et «Lux perpetua». Stella Maris en traduit l’apaisement radieux dans une interprétation précise et fine, tout à fait efficace. On peut saluer l’heureuse initiative d’Olivier Bardot qui a souhaité mettre en œuvre la tradition italienne du ripieno pour opposer la masse sonore du tutti à des voix solistes ou de petits groupes solistes tirés du rang, notamment lors du «Sanctus», et cela avec le plus bel effet.


Le Requiem à double chœur de Herbert Howells (1892-1983) est plus personnel. Ecrit en 1932, quatre ans avant la mort soudaine de son fils de neuf ans, son intensité et son caractère tragique paraissent étrangement prémonitoires. Howells n’en a pas d’ailleurs autorisé la création avant 1981 d’autant plus, peut-être, qu’il en avait intégré certains passages retravaillés à l’Hymnus Paradisi de 1936-1938, oratorio composé à la mémoire de son fils Michael, et retenu lui aussi par le compositeur jusqu’en 1950. Le Requiem ne retient du texte liturgique que la première phrase «Requiem æternam dona eis, Domine : et lux perpetua luceat eis» mise deux fois en musique en troisième et cinquième positions. Les autres textes sont chantés en anglais. Il s’agit de quatre textes profondément enracinés dans la culture britannique : en ouverture, l’hymne «Lord Saviour of the world» («Salvatore mundi»), les Psaumes 23 et 121 formant les deuxième et quatrième parties, et, pour conclure, le passage «I heard a Voice from Heaven» de l’Apocalypse. La musique touche à la fois au plain-chant, à la tradition élisabéthaine et au XXe siècle, l’influence de Vaughan Williams particulièrement sensible lors du deuxième volet. Howells allie subtilement les voix solistes ou les voix à l’unisson à une polyphonie fluctuante et raffinée aux fines teintes modales et aux harmonies resserrées frisant la dissonance. Tout autant que Pizzetti, il maîtrise l’enchaînement de couleurs modales inattendues dans une densité harmonique audacieuse, fluide et d’une transparence éthérée. C’est le cas, selon Olivier Bardot, de «l’irréel «Et lux perpetua» qui, au cœur [du premier] «Requiem æternam», a inspiré le titre du présent enregistrement». Avec la douceur requise, le chœur Stella Maris en laisse épanouir la beauté ample et lumineuse d’où naît toute la profondeur émotionnelle et spirituelle.


Comme Howells, le compositeur norvégien Knut Nystedt (né en 1915) a toujours mené de front ses activités de compositeur, d’organiste et de chef de chœur, ce qui peut expliquer son important catalogue de musique chorale, peu enregistrée mais souvent au répertoire des ensembles vocaux européens. La musique sacrée de Nystedt laisse deviner de diverses influences à commencer par celle de Palestrina que l’on perçoit dans la transparence épurée des lignes et dans la plénitude harmonieuse, et par celle de l’église de tradition norvégienne à l’abord plus simple. Plus largement, on ressent l’influence de certains courants de la musique contemporaine, en particulier celle des jeux harmoniques d’un Ligeti. Par moments, Nystedt est proche d’atteindre la «métamorphose graduelle de constellations d’intervalles» (Ligeti), notamment lors des jeux de lumière sur l’eau vive du «Kyrie» et des miroitements serrés et instables du début du «Sanctus» de la Missa brevis de 1984 captée ici. Dans l’esprit d’un Palestrina, le compositeur alterne les séquences monodiques, homophoniques et polyphoniques selon le sens du texte latin, l’élan musical et la texture verticale venant à l’appui d’un mot essentiel ou d’un sens spirituel profond. Dans un même but, il joue avec maîtrise sur le registre, sur l’intensité dynamique et sur la dissonance et les climats fluctuent entre joie, sérénité et incertitudes. C’est une œuvre aérée et limpide qui demande un effectif plus restreint. Olivier Bardot en confie l’interprétation à l’Ensemble Vocal LuxÆterna, ensemble à vocation professionnelle fondé en 2007. Sortis des rangs du Stella Maris, les onze jeunes chanteurs chambristes en donnent une interprétation décantée pourtant généreuse et d’une grande sensibilité musicale.


L’excellente notice de présentation met l’accent sur le retour du chant polyphonique sacré entre les deux guerres : «Cette "musique de l’âme et de l’éternité" devient, pour le compositeur, le lieu du questionnement intime, d’un dialogue avec l’essentiel». Le disque au répertoire rare mérite largement d’attirer l’attention tout comme il mériterait une plus large distribution.


L’intégralité du programme a fait l’objet de deux concerts donnés avec succès récemment à Paris.


Christine Labroche

 

 

 

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