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12/03/2008
«Concert de la Saint-Sylvestre 1978»
Giuseppe Verdi : La forza del destino: Ouverture
Georges Bizet : L’Arlésienne: Suite n° 2
Franz Liszt : Rhapsodie hongroise n° 2
Hector Berlioz : La Damnation de Faust, opus 24: «Marche hongroise»
Pietro Mascagni : L’amico Fritz: Intermezzo
Franz von Suppé : Leichte Kavallerie: Ouverture

Berliner Philharmoniker, Herbert von Karajan (direction et réalisation)
Enregistré en public à la Philharmonie de Berlin (30-31 décembre 1978) – 53’ + documentaire 60’
DVD Deutsche Grammophon 073 4493 (distribué par Universal) – Son PCM stereo/DTS 5.1 – Format 4/3 – Region code 0 (Worldwide)





Les 30 et 31 décembre à la Philharmonie de Berlin sont traditionnellement l’occasion d’un concert festif, au programme en principe plus facile d’accès que d’habitude, et dont la direction incombe au directeur musical en titre. Une tradition à laquelle Herbert von Karajan s’est strictement conformé à partir de 1966 (à la seule exception de décembre 86, le maître étant sollicité pour diriger le Neujahrskonzert de l’Orchestre philharmonique de Vienne), avec à la clef aujourd’hui une très belle série d’archives directement publiables en DVD, la plupart de ces concerts ayant été luxueusement filmés en vue d’une retransmission en direct par la télévision allemande le soir du réveillon.


C’était là en général pour Karajan l’occasion idéale de programmer ces courtes et spectaculaires miniatures d’orchestre dont il était particulièrement friand, petits joyaux d’écoles nationales, agencés en programmes cosmopolites qui faisaient accomplir en moins d’une heure à l’auditeur un petit tour d’Europe. Le legs video Karajan récupéré par Sony contient au moins deux perles de ce genre : le concert de 1983 (Rossini, Smetana, Sibelius – une formidable Valse triste –, Josef et Johann Strauss) et la soirée de la Saint-Sylvestre 1985 (Weber, Puccini, Leoncavallo, Liszt et Ravel), cette dernière malheureusement inaccessible aujourd’hui (la récente réédition Sony du legs Karajan n’en inclut que quelques éléments éparpillés). Ce concert-ci, exploitation cette fois par Universal du fonds Unitel, est un peu plus ancien, un peu moins bien filmé (les plans lointains sont relativement flous), mais il s’agit là encore d’un pur régal, permettant de retrouver l’art de Karajan à son sommet. Passons sur cette curieuse manie qu’avait le chef autrichien de fermer ostensiblement les yeux en dirigeant, voire sur quelques terribles expressions d’un visage d’une énergie parfois presque glaçante, pour ne plus se laisser fasciner par l’absolue précision du geste, par cet art d’imposer à l’orchestre exactement la même discipline dans l’attaque des sons que dans l’homogénéité de leur extinction. Ici on entend rien moins qu’un orchestre entier se plier à une discipline de legato et de messa di voce digne d’un chanteur d’opéra à l’apogée de ses moyens, et le travail sur l’évidence des respirations, le naturel des silences, l’équilibre des timbres est tout simplement d’une aisance confondante. Quelle Seconde Suite de L’Arlésienne ! Assez peu provençale, certes, mais tellement ouvragée, détaillée, délimitée au cordeau, qu’on en reste bouche-bée devant tant de précision, ce qui n’exclut nullement une musicalité constante, chaque instrumentiste se comportant ici à la fois comme un soliste de concert inspiré et comme l’élément plus anonyme d’un ensemble d’une fantastique cohésion.


On admirera aussi l’urgence d’une Ouverture de La Force du destin dont les accords cuivrés semblent délimités dans le temps par le maître d’œuvre avec la sûreté d’un tailleur de pierre maniant le ciseau, ou encore l’élégance de l’Intermezzo de L’Ami Fritz de Mascagni. Mais de toute façon, tout ici est d’un niveau extraordinaire, y compris même une Ouverture Cavalerie légère de Suppé où l’orchestre se relâche un peu. Mais là on est en fin de concert, on va bien bientôt sabler le champagne à tous les étages de la Philharmonie, et Karajan laisse (à peine) filer ses troupes vers la conclusion d’une heure de musique prodigieuse.


On l’aura compris : un document essentiel à posséder, complété d’un généreux documentaire tiré d’archives télévisées : Karajan at home, dans son environnement habituel (voitures de course, jet privé, secrétaires, assistants et domestiques porte-valises, villas sobrement luxueuses perdues dans la nature...). Pas grand chose d’instructif, voire de quoi nourrir de dangereuses erreurs de perspective sur une personnalité qui dépassait de loin ce simple folklore de luxe. Ici, tout ce qu’on sait sur la vraie valeur d’un Karajan se passe immanquablement avant ou après ces images de convention (et on peut faire confiance à l’introversion du maestro pour avoir veillé à faire couper, précisément, tous les moments davantage révélateurs d’une personnalité plus fragile et attachante). Tant pis. On pourra toujours regarder ce film à titre documentaire, sur une époque qui lentement mais sûrement s’éloigne de nous.


Laurent Barthel

 

 

 

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