About us / Contact

The Classical Music Network

CD

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

11/18/2008
L’orgue de la Renaissance et de la période baroque : Œuvres de Newman, Johann Pachelbel, Elias Nikolaus Ammerbach, Bernardo Pasquini…)
L’orgue de la Renaissance et de la période baroque, les Pays-Bas : Œuvres de Dietrich Buxtehude, Matthias Weckmann, Johan Sebastian Bach…)
Musique pour clavecin à la Cour de Dresde : Œuvres de Matthias Weckmann et Johann Jackb Froberger)
Georg Böhm : Œuvres pour clavier (Prélude en sol mineur, Suite en ut mineur, Ouverture en ré majeur…)
Domenico Scarlatti : Sonates pour clavecin
Louis Couperin : Suites et Pavane pour clavecin
Chefs-d’œuvre de la musique française pour clavecin : Œuvres de Jean-Philippe Rameau, Gaspard Le Roux, Pancrace Royer et Jacques Duphly
Arcangelo Corelli : Sonates opus 5, n° 7 à 12 ***
Musique à Versailles : Œuvres de Marin Marais, Jean Henri d’Anglebert et Antoine Forqueray **
Georg Philipp Telemann : Quatuors parisiens n° 1 à 6 *
Johann Sebastian Bach et Carl Philipp Emanuel Bach : Concerto BWV 1052 et Concerto Wq. 23 +
Johann Sebastian Bach : Variations Goldberg BWV 988 – Œuvres pour orgue – Concertos BWV 1060, BWV 1044 et BWV 1052 # – Cantates BWV 27, BWV 34 et BWV 41 °

Barthold Kuijken *# (flûte), Frans Brüggen *** (flûte à bec), Helmut Hucke # (hautbois), Sigiswald Kuijken (violon * et viole de gambe **), Wieland Kuijken * (viole de gambe), Franzjosef Maier # (violon), Anner Bylsma *** (violoncelle), Markus Schäfer ° (ténor), Harry van der Kamp ° (basse), Bob van Asperen # (clavecin), Tölzer Knabenchor °, Leonhardt-Consort +, Collegium Aureum #, Baroque Orchestra °, Gustav Leonhardt (orgue, clavecin, direction)
Dates et lieux d’enregistrement non précisés – 853’45
15 disques Sony Classical 88697318972 (distribués par Sony-BMG) – Entretien avec Gustav Leonhardt (notice trilingue : anglais, allemand, français)






Gustav Leonhardt a quatre-vingts ans… Il était juste que les hommages pleuvent sur le pape du renouveau de la musique baroque, l’aîné (ou presque) des Harnoncourt, Gardiner, Brüggen, le père des Herreweghe, Kuijken et autres Hantaï… Deutsche Harmonia Mundi a ainsi sorti un coffret de huit disques rendant hommage au claveciniste d’exception que Leonhardt est toujours. Après avoir édité il y a quelques années un ensemble réunissant de nombreux enregistrements jadis parus chez Seon, Sony publie aujourd’hui une somme (quinze disques !) destinée à mettre en valeur les multiples talents de Gustav Leonhardt. Tour à tour soliste et accompagnateur, chef d’orchestre et chef de chœur, claveciniste et organiste, interprète de compositeurs catholiques et protestants, de musiciens allemands, français et italiens, il apparaît dans toute sa complexité comme un musicien exceptionnel.


Il serait vain d’analyser en détail chacun de ces quinze disques… Qu’on nous permette donc de seulement pointer les réussites majeures d’un coffret qui, à ce prix, fait figure de véritable aubaine tant pour le porte-monnaie que pour la discothèque de chacun.


A tout seigneur, tout honneur… Jean-Sébastien Bach (1685-1750) est le compositeur le mieux servi dans ce coffret puisqu’il bénéficie de cinq disques. Il est vrai que le nom de Leonhardt sera, pour toujours, attaché à celui du Cantor depuis que, avec Nikolaus Harnoncourt et les petites mains d’un certain Philippe Herreweghe, il a enregistré l’intégrale des cantates du célèbre compositeur. Ici, un seul disque de musique religieuse avec trois œuvres : la Cantate BWV 27 « Wer weiss, wie nahe mir mein Ende », la Cantate BWV 34 « O ewiges Feuer, o Ursprung der Liebe » et la Cantate BWV 41 « Jesu, nun sei gepreiset ». Jouée pour la première fois le 6 octobre 1726, la Cantate BWV 27 fait intervenir un alto et une basse, accompagnés par un petit orchestre avec orgue obligé. Si le timbre de Jonas Will est assez peu agréable, on retiendra surtout la superbe dynamique insufflée à une œuvre dont le propos consiste à faire face à la mort de la manière la plus calme et la plus sereine possible. L’air de basse est remarquable du point de vue de l’accompagnement orchestral notamment, qui emprunte à la sarabande sa richesse rythmique et qui rappelle parfois ce que l’on pourra entendre dans la Passion selon saint Matthieu (jouée pour la première fois en avril 1727, soit quelques mois plus tard que la date de création de la présente cantate). La Cantate BWV 34 est plus brillante, bénéficiant pour ce faire d’un orchestre traditionnel mais augmenté de trompettes et de timbales. Reprenant le matériau de la Cantate BWV 34a (qui était destinée à un mariage), la présente œuvre daterait de la fin de l’année 1725 ou du début de l’année 1726, les documents faisant défaut pour parvenir à une datation certaine. Leonhardt la conduit avec une maîtrise qui manie tour à tour la réjouissance opulente (le chœur introductif) et le minimalisme d’un aria chanté de façon un peu brutale par Michael Sapara. Quant à la troisième œuvre, la Cantate BWV 41, elle a été donnée pour la première fois le 1er janvier 1725 ; la circonstance à elle seule justifie là encore l’emploi d’un orchestre rehaussé par des trompettes extrêmement brillantes. Au sein d’un instrumentarium foisonnant, on remarquera le rare et délicat violoncelle piccolo qui accompagne le ténor dans sa belle aria « Woferne du den edlen Frieden » avant que la cantate ne se conclue par un nouveau chœur respirant la joie. De quoi tordre le cou à la figure austère de Leonhardt, visiblement en phase avec cette œuvre au caractère franchement festif !


On passera plus rapidement sur les Variations Goldberg qui, vraisemblablement enregistrées en 1978, ont aujourd’hui perdu de leur superbe, l’interprétation étant, en raison notamment d’une rythmique parfois étrange, trop distante pour ne pas dire trop absente… Kenneth Gilbert ou Pierre Hantaï ont su, chacun à leur manière, renouveler l’exercice avec beaucoup plus de conviction. Si Leonhardt claveciniste ne convainc pas, tel n’est en revanche pas le cas de Leonhardt organiste. Le disque consacré aux compositions de Bach pour cet instrument est splendide. Outre une belle Toccata BWV 913 composée entre les années 1705 et 1708 (œuvre de jeunesse donc et pourtant, quelle technicité déjà !) et quelques pièces mineures, l’essentiel du disque est consacré à des extraits du Troisième livre de la Klavierübung (« exercices pour clavier »), vraisemblablement composé en 1739. S’adaptant avec art aux différentes atmosphères induites par ces petites pièces, Gustav Leonhardt donne une interprétation splendide de ces extraits parmi lesquels on remarquera notamment une magnifique Fughetta super : Dies sind die heil’gen zehn Gebot’, savant mélange d’ostinato et de fantaisie… Les concertos présentés dans le coffret sont également de très haute facture. Qu’il s’agisse du Concerto pour violon, hautbois et cordes, du Concerto pour flûte, violon, clavecin et cordes ou du Concerto pour clavecin BWV 1052, on se situe sur des sommets même s’ils privilégient parfois la noblesse un peu hautaine du propos sur l’enthousiasme (le premier mouvement du BWV 1044, un peu daté, est très révélateur à cet égard). Le hasard des compilations est ainsi fait que le Concerto BWV 1052 nous est donné… dans deux versions différentes, la première étant tirée des fonds de Deutsche Harmonia Mundi, la seconde étant issue du catalogue Seon ; on préfèrera largement cette dernière, plus allante et plus cristalline. Cette version est couplée avec le Concerto Wq23 de Carl Philipp Emanuel Bach (1714-1788), également dans la tonalité de mineur. Ce concerto, dont le premier mouvement, plein de fraîcheur, possède une indéniable parenté avec le troisième mouvement du Concerto pour violoncelle Wq 172, a été composé en 1748 et existe également dans une version pour deux clavecins. Œuvre d’une grande recherche, elle est jouée de façon absolument superbe par Leonhardt, qui allie le caractère espiègle avec la noblesse qui sied à la partition (n’oublions pas que ce fils Bach était musicien à la cour du grand Frédéric II de Prusse depuis 1738).


Si Gustav Leonhardt reste un irrésistible amoureux de la musique de Jean-Sébastien Bach, il ne s’est tout de même pas confiné à la seule œuvre du Cantor. Ainsi, on signalera une très belle version de six Quatuors parisiens de Georg Philipp Telemann (1681-1767). Cet immense musicien a été un des maîtres du quatuor, ses compositions en ce domaine ont été admirées par tous et ont longtemps servi de modèle à qui souhaitait écrire pour quatre instrumentistes. Des douze Quatuors parisiens publiés à Hambourg en 1730, six nous sont donc ici présentés. Que dire si ce n’est qu’il s’agit là d’une version de référence, l’entente entre Leonhardt et les frères Kuijken étant exceptionnelle ; pour s’en convaincre, il suffit d’écouter la virtuosité du Presto du Premier quatuor ou l’Air mélancolique du Troisième quatuor.


Passons les Alpes et retrouvons-nous maintenant à Rome, patrie d’Arcangelo Corelli (1653-1713). Leonhardt et ses comparses, Anner Bylsma et Frans Brüggen, donnent une version extrêmement habitée des six Sonates opus 5 (composées en 1700), même si, aujourd’hui, certaines gravures y instillent davantage de chaleur…


Trois disques rendent hommage à Leonhardt interprète de la musique française. Le claveciniste et organiste Claude-Louis Daquin (1694-1772) a écrit que « personne n’a surpassé Marais, un seul homme l’a égalé, c’est le fameux Forqueray ». C’est justement par un disque réunissant la célébrissime Sonnerie de Sainte Geneviève du Mont à Paris, composée par Marin Marais (1658-1728), et la Suite V en ut mineur d’Antoine Forqueray (1672-1745) que l’on peut commencer ce bref voyage dans la musique française de la première moitié du XVIIIe siècle… Leonhardt, ici encore accompagné de deux frères Kuijken (Sigiswald au violon, Wieland à la viole de gambe), est irrésistible. Etourdissant et sombre (Tombeau de M. de Sainte-Colombe) dans Marin Marais, ce disque vaut surtout pour la Suite V de Forqueray qui, avouons-le néanmoins, met davantage en valeur la viole bondissante que le clavecin. Gravées en 1979, les Suites en la mineur, ut majeur et fa majeur de Louis Couperin (1626-1661) font, quant à elles, partie des plus grands disques de Leonhardt en tant que claveciniste.


Quel claveciniste pourrait résister aux sonates de Domenico Scarlatti (1685-1757) ? Pas Leonhardt en tout cas, qui interprète ici neuf Sonates du célèbre compositeur napolitain. En dépit d’un certain manque d’engagement (on perçoit qu’il ne s’agit pas là de son répertoire de prédilection), on écoutera attentivement les Sonates en fa mineur K 238/239 et les Sonates en la majeur K 208/209, sommets de ce disque. L’esprit de découverte de Leonhardt nous vaut l’occasion d’écouter également, sur un autre disque, des œuvres pour clavecin composées par deux musiciens dresdois, deux amis, Matthias Weckmann (1616-1674) et Johann Jakob Froberger (1616-1667).


Gustav Leonhardt est un artiste multiforme : cette belle rétrospective discographique le prouve amplement... On regrettera néanmoins une chose : aucune présentation du parcours de Leonhardt, aucune notice de quelque nature que ce soit hormis un extrait d’entretien d’ailleurs très mal traduit, aucun renseignement sur les disques (les dates et les lieux d’enregistrement…). C’est fort dommage et, pour tout dire, assez indigne de la part d’un grand éditeur choisissant de rendre hommage à un aussi immense artiste !


Sébastien Gauthier

 

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com