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11/12/2008
Wolfgang Amadeus Mozart : Concerto pour clarinette en la majeur, K. 622 (*) – Concerto pour cor n° 3 en mi bémol majeur, K. 447
Johann Strauss : An der schönen blauen Donau, opus 314 – Kaiser-Walzer, opus 437 – Wiener Blut, opus 354 (*)
Ludwig van Beethoven : Symphonie n° 6 en fa majeur, opus 68, « Pastorale » –Symphonie n° 7 en la majeur, opus 92
Jean Sibelius : Symphonie n° 4 en la mineur, opus 63
Ralph Vaughan Williams : Fantaisie sur un thème de Thomas Tallis
Benjamin Britten : Variations sur un thème de Frank Bridge, opus 10
Béla Bartók : Concerto pour orchestre, sz. 116
Richard Strauss: Métamorphoses, étude pour 23 instruments à cordes (*)

Leopold Wlach (clarinette), Dennis Brain (cor), Wiener Philharmoniker (*), Philharmonia Orchestra, Herbert von Karajan (direction)
Enregistré en 1946 (An der schönen blauen Donau, Kaiser-Walzer), 1949 (Concerto pour clarinette, Wiener Blut, Métamorphoses), 1951 (Beethoven Symphonie n° 7) et 1953 – 286’04
Album de quatre disques Artone Membran Music 222326-354 – Notice biographique bilingue (allemand, anglais)






L’année 2008 touche doucement à sa fin et, avec elle, l’année « Hommage à Karajan » qui a dignement fêté le centenaire de la naissance du grand chef d’orchestre avec force rééditions discographiques (plus ou moins inédites), films en tous genres et émissions radiophoniques spéciales. Au sein de ce foisonnement où même le mélomane le plus téméraire a de quoi se perdre, ce coffret de quatre disques ne présente que peu d’intérêt, soit que les enregistrements dont il s’agit (pour la plupart déjà édités par EMI Classics) sont accessibles par ailleurs, soit (surtout) qu’ils sont détrônés par d’autres gravures effectuées par Karajan lui-même ou par certains de ses confrères.


Le premier disque nous permet d’entendre Herbert von Karajan (1908-1989) dans deux compositeurs emblématiques de son répertoire : Mozart et Johann Strauss. Enregistré à la tête d’une Philharmonie de Vienne très honorable, aux réels accents chambristes, le Concerto pour clarinette (que Karajan a ensuite enregistré avec Bernard Walton et le Philharmonia en juillet 1955 puis avec Karl Leister et l’Orchestre philharmonique de Berlin en 1971) déçoit néanmoins. La faute en incombe à Leopold Wlach, clarinette solo de la phalange viennoise, qui manque de souffle en plus d’une occasion et dont l’interprétation s’avère fort peu poétique. En revanche, le Troisième concerto pour cor est (et ce, depuis sa parution au disque) une référence incontournable grâce à un Dennis Brain légendaire. L’intégrale de ces concertos, enregistrée les 12 et 13 novembre 1953 au Kingsway Hall de Londres sous la houlette du producteur artistique Walter Legge, est depuis longtemps considérée comme un des meilleurs enregistrements de Karajan en tant qu’accompagnateur dans un concerto. La poésie de Brain, l’attention palpable du chef font de ce concerto un moment de grâce absolue qui, en dépit d’un son qui a naturellement vieilli, continue de séduire de bout en bout. Les œuvres de Johann Strauss qui complètent ce disque laissent, quant à elles, un goût amer tant elles ne correspondent pas à la profonde affinité que Karajan entretenait avec ce répertoire. En 1946, Karajan avait déjà enregistré quelques valses viennoises, notamment la Kaiserwalzer et l’ouverture du Baron Tzigane à la tête de l’Orchestre philharmonique de Berlin (juin 1941). Les œuvres ici offertes à l’auditeur doivent être rapidement oubliées car elles trahissent certaines faiblesses du Philharmonique de Vienne ainsi que quelques raideurs dans la direction, là où le naturel doit être l’immuable règle de conduite. Qu’on écoute plutôt les valses que Karajan a laissées à la tête du même orchestre chez Decca ou chez Deutsche Grammophon : naturellement son Concert du Nouvel an en 1987 mais aussi celles qu’il a dirigées en concert à Salzbourg, le 25 août 1968, avec peut-être la plus grande version de tous les temps du Beau Danube bleu !


Le deuxième disque est dédié à Beethoven, pilier du répertoire de Karajan, compositeur peut-être le plus durablement associé au nom du chef autrichien. Les Sixième et Septième symphonies qui nous sont présentées sont issues de la première des quatre intégrales que Karajan a gravées (celle-ci à la tête de l’Orchestre Philharmonia, les trois autres ayant été données avec le Philharmonique de Berlin). Autant dire qu’il vaut mieux ne pas s’attarder à leur écoute… Des tempi globalement très retenus, un orchestre imparfait en plus d’une occasion (la comparaison avec son confrère allemand est cruelle, quelle que soit l’intégrale ultérieure considérée…), une conception assez pesante et un chef bizarrement peu en phase avec certains mouvements (le dernier de la Pastorale, le troisième de la Septième symphonie). Mieux vaut se tourner vers la première intégrale berlinoise et, surtout, vers l’extraordinaire concert du 28 janvier 1978 où Karajan donne une Septième symphonie de rêve, sommet absolu de la discographie (Palexa).


Le choix éditorial de ce coffret peut étonner à la lecture des noms des compositeurs figurant sur le troisième disque. A l’exception de Sibelius, qui a été une constante parmi les enregistrements de Karajan, on trouve en effet Vaughan Williams et Britten… S’agit-il de rappeler à qui l’aurait oublié que, même s’il ne fut pas un défenseur acharné de la musique de son temps, Herbert von Karajan a tout de même dirigé et enregistré les pièces de certains de ses contemporains : Gottfried von Einem, Hans Werner Henze, Boris Blacher, Carl Orff, Ildebrando Pizzetti, Dimitri Chostakovitch (n’oublions pas que Karajan dirigea dès 1956 sa Dixième symphonie, composée en 1953 !)… Ainsi, Karajan avait déjà dirigé la Fantaisie sur un thème de Thomas Tallis de Ralph Vaughan Williams (notamment en février 1948 à la tête du Philharmonique de Vienne) lorsqu’il l’enregistra en novembre 1953 avec le Philharmonia. Sans être une référence absolue, force est de constater qu’il s’agit d’une belle version, les cordes de l’orchestre faisant notamment preuve d’une impressionnante cohésion. Quant aux Variations sur un thème de Frank Bridge de Britten, elles sont abordées avec un lyrisme poignant de la part de Karajan qui, visiblement à l’aise dans ce répertoire qui était loin d’être le sien, en donne une version très convaincante. La Quatrième symphonie de Sibelius fait, en revanche, partie des œuvres du compositeur finlandais que Karajan n’a jamais perdues de vue : ainsi, dès ses débuts de chef d’orchestre « confirmé », il la dirige (notamment au cours d’un concert donné en avril 1943 à Vienne, puis à Londres le 1er mai 1955) et il l’enregistre à maintes reprises (notamment à la tête du Philharmonique de Berlin). La présente version est fascinante, la noirceur du premier mouvement précédant de façon idéale la légèreté, entremêlée de sarcasmes du second ; le Philharmonia (qui n’est pas aussi parfait que pourra l’être Berlin dans les enregistrements des Quatrième à Septième symphonies dans les années 1960) aborde les deux autres mouvements avec une implication qui a suscité l’admiration du compositeur lui-même : dans une lettre adressée à Walter Legge en septembre 1954, celui-ci avoua au directeur artistique combien il trouvait idéal cet enregistrement de Karajan…


Le quatrième (et dernier) disque est sans aucun doute le plus convaincant de ce coffret. Il débute pourtant par l’œuvre d’un compositeur que Karajan ne dirigeait pas si fréquemment que cela, Béla Bartók. Il enregistra le Concerto pour orchestre à trois reprises : à la tête de l’Orchestre Philharmonia en 1953 puis à la tête du Philharmonique de Berlin en 1965 et 1974. Cette œuvre, outre le fait qu’elle est un moyen pour Karajan de mettre en valeur les phalanges qu’il dirige, devait être particulièrement chère à son cœur puisqu’elle figurait au programme des premiers concerts qu’il a été autorisé à donner à la tête de la Philharmonie de Berlin après guerre (en septembre 1953, au Festival d’Edimbourg, couplée à la Symphonie Héroïque de Beethoven le premier soir puis, le lendemain, à la Water Music de Haendel !). Le présent enregistrement est renversant : un orchestre chauffé à blanc, s’adaptant aux différents climats imposés par une œuvre foisonnante, dirigé d’une main de maître. Assurément, une très grande version de ce concerto, peut-être la plus belle laissée par Karajan. Quant aux Métamorphoses de Richard Strauss, autant dire qu’il s’agit d’un enregistrement véritablement historique puisque c’est la première gravure au disque (novembre 1949) de cette œuvre ô combien bouleversante, achevée par Strauss en avril 1945 et créée par Paul Sacher en janvier 1946 à Zurich. Karajan a toujours été un interprète inspiré de Richard Strauss, notamment des Métamorphoses qu’il dirige très rapidement en concert (ainsi, dès le 18 août 1948 entre une Symphonie « Londres » de Haydn et une Cinquième symphonie de Beethoven). La version qu’il nous est ici donné d’entendre est habitée du début à la fin, le soyeux des cordes de la philharmonie viennoise rendant magnifiquement le tragique du thème dont on sait qu’il est emprunté au deuxième mouvement de l’Héroïque. Si Karajan a fait mieux par la suite, bénéficiant notamment de techniques discographiques plus avancées, force est de constater que cette version est à marquer d’une pierre blanche pour toutes les raisons évoquées précédemment.


Au final, on peut donc considérer que, hormis un quatrième disque splendide, ce coffret peut être oublié sans grand regret. Mais que le mélomane se rassure : le catalogue « Karajan » étant ce qu’il est, c’est sans aucune difficulté qu’il devrait trouver son bonheur chez les éditeurs concurrents pour acquérir telle ou telle œuvre gravée par celui qui reste certainement comme le plus grand chef d’orchestre du XXe siècle…


Sébastien Gauthier

 

 

 

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