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Une victoire de plus pour César! Ave!

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
10/16/2006 -  et les 18, 20*, 22 et 24 octobre 2006
Georg Friedrich Haendel : Giulio Cesare

Andreas Scholl (Jules César), Rosemary Joshua (Cléopâtre), Sonia Prina (Cornelia), Franco Fagioli (Tolomeo), Alice Coote (Sextus), Mario Cassi (Achilla), Damien Guillon (Nireno), Renaud Delaigue (Curio)
Noëlle Ginefri (décors), Sylvie Martin-Hyszka (costumes), Cécile Bon (chorégraphie), André Diot (lumières, Irina Brook (mise en scène)
Les Talens Lyriques, Christophe Rousset (direction)

Le théâtre des Champs-Elysées poursuit son cycle Haendel en présentant deux nouvelles productions du compositeur: Giulio Cesare en octobre et Ariodante en mars 2007. Ce spectacle permet au public parisien de découvrir le Jules César solaire d’Andreas Scholl et de retrouver Rosemary Joshua, fidèle de Haendel et de ce théâtre, et de faire connaissance avec de jeunes chanteurs prometteurs, le tout sous la baguette remarquable et inspirée de Christophe Rousset.



La mise en scène d’Irina Brook reçoit des bravos et des huées au moment des saluts et c’est un assez bon résumé de son travail. S’il est vrai que les huées sont un peu excessives (on a vu pire dans d’autres salles parisiennes…), les bravos le sont aussi car cette production n’apporte pas une lecture bien originale de l’œuvre de Haendel. Comme nombre de ses collègues, Irina Brook transpose l’Egypte à notre époque mais avec des costumes toutefois assez intemporels: seuls les revolvers et autres fusils donnent à penser que nous sommes dans un conflit “égypto-romano” contemporain. On ne peut échapper au désormais incontournable costume-cravate alors que les différentes robes de Cléopâtre sont plutôt recherchées: la future reine change constamment de toilette, une robe rouge, une robe blanche vaporeuse, un robe noire décolletée dans le dos, etc… Tolomeo est également affublé de costumes assez ridicules puisqu’il entre sur scène dans un pyjama rose clair (avec un superbe T brodé sur la veste…) puis est vêtu de vestes de couleur violette, de pantalons cintrés, voire de collants en résille… Le décor principal fournit d’assez belles images: tout l’opéra se déroule sur des dunes légères avec du sable et une toile est dressée au fond de la scène. Voir les personnages se détacher sur le jaune du sable et le ciel bleu est assez captivant et esthétiquement beau. En revanche le mirage “The Oasis” qui accompagne le deuxième acte est du plus grand ridicule: l’action se déroule en plein désert donc un faux palmier clignotant est planté dans le décor ainsi qu’une entrée de boîte de nuit avec lettres lumineuses “The Oasis”. Autour de cette entrée, il y a un petit pont et une mare d’eau où tous les personnages vont aller patauger… La mise en scène est également agrémentée de personnages annexes, des serviteurs de Cléopâtre et de Ptolémée, qui sont en réalité des danseurs censés faire une chorégraphie égyptienne. Le goût est plus que douteux surtout dans l’air de Cléopâtre “Da tempeste” où ils se trémoussent sans grande élégance. Malheureusement le public rit souvent et c’est bien le comble dans un opéra qui n’est pas franchement drôle! Effectivement comment ne pas sourire quand les serviteurs sont obligés de redresser la table parce que Cléopâtre déplace tout sur son passage,…


Andreas Scholl met sa belle voix pure au service du chef romain et l’absence de vibrato contribue à apporter une profonde humanité au personnage: César est ici représenté comme un amoureux tendre doté d’un courage militaire sans faille mais qui n’aspire qu’à une juste vengeance. Pour avoir vu le chanteur dans ses premiers pas à Paris, on ne peut qu’être déçu d’entendre que la voix a perdu de sa puissance et de ses aigus au profit toutefois d’un grave de plus en plus nourri. Ce n’est que dans quelques passages, comme le magnifique début de “Aure deh per pieta” où il exécute un crescendo sur le “au”, que l’on retrouve l’Andreas Scholl des débuts. Il laisse mourir les notes peu à peu à la fin de l’air avec grande douceur. Le chanteur utilise également son élégance vocale dans les moments plus solennelles comme l’hommage rendu à Pompée: “Alma del gran Pompeo” où son interprétation est poignante. En revanche il n’a rien perdu de son agilité vocale car il enchaîne les vocalises avec une facilité confondante: “Al lampo dell’armi” en est un bon exemple car il adopte un tempo très vif et l’appel aux armes est encore plus expressif.
Rosemary Joshua est une Cléopâtre bien convaincante et elle assume avec brio le rôle de la future reine d’Egypte. Elle parvient à donner une épaisseur au personnage et on est bien loin de l’oie blanche parfois représentée. Ses gestes, son phrasé et son assurance concourent à peindre une future reine ambitieuse qui découvre l’amour avec César. La voix est toujours aussi agile et les vocalises se multiplient au cours des airs surtout dans “tu la mia stella sei” où elle chante son amour à l’aide de très nombreuses notes rajoutées: elle se montre aguicheuse et ses vocalises sont à la limite de la vulgarité (calculée bien sûr). Toutefois elle prouve davantage son talent dans les airs plus lents comme “Per pietà” et “Piangero”. Le premier dégage une immense émotion parce qu’elle souligne particulièrement les “o” des verbes, tels que “moriro”, avec une voix blanche, presque décharnée. Elle reprend ce même procédé dans “pian”.
Le timbre de Sonia Prina n’est pas des plus agréables mais il a le talent de brosser un portrait complet et sensible du personnage de Cornelia. La chanteuse se montre particulièrement émouvante dans l’air “nel tuo seno” où elle exprime la profonde douleur de Cornelia avec des couleurs très sombres, voire des notes un peu rauques. Certaines notes sont tenues auxquelles elle vient greffer progressivement un léger vibrato. Sa voix s’harmonise bien avec celle d’Alice Coote dans le duo “son nato/son nata”: ce morceau est d’une grande intensité et les deux chanteuses traduisent le désespoir de la mère et du fils avec des “mai piu” qui se répondent, chacun exprimant une gradation dans l’espoir.
Tolomeo est interprété par le jeune Franco Fagioli qui a déjà fait forte impression à Zurich l’année dernière. Il maîtrise parfaitement les difficultés de la partition et ne recule devant aucune vocalise: il en rajoute, peut-être trop d’ailleurs, ce qui rend son personnage encore plus fou, voire détraqué. Irina Brook a souhaité en faire un être sanguinaire et intraitable et sa voix correspond bien à cette intention scénique. Il chante les deux airs “L’Empio” et “Si spietata” avec virtuosité malgré un tempo excessivement vif: son personnage est furieux et le contraste est d’autant plus saisissant quand il chante ce superbe air “belle dee”, véritable hymne à l’amour, dans lequel sa voix prend une coloration beaucoup plus douce et des résonances très pures.
La grande révélation de la soirée est Alice Coote dont la carrière se développe essentiellement en Angleterre, où elle est fêtée dans les plus grandes maisons. La France la découvre ce soir dans un rôle qui lui va comme un gant: elle incarne un Sextus juste, rempli de colère et de désespoir, très attentionné auprès de sa mère… La voix souligne les intentions dramatiques de la chanteuse puisqu’elle est assez sombre quand il s’agit d’exprimer la douleur et plus claire quand le personnage reprend espoir, dualité qui se vérifie surtout dans les récitatifs. Elle apporte toute la fougue nécessaire dans le début de l’air “Svegliatevi nel core” pour ensuite donner des accents plus humains à la seconde partie: elle entrecoupe son chant de respirations sonores pour évoquer son père et donc la peine que suscite sa mort. L’air “cara speme, questo core” est une véritable parenthèse car Alice Coote dessine un personnage plus calme avec un superbe legato et de douces vocalises.
Achilla est campé par Mario Cassi qui révèle un instrument assez métallique. Il ne manque pas de bonnes idées pour rendre son personnage méchant (notes très sombres, gestes assez violents) mais finalement assez naïf quand il tente de violenter Cornelia dans “Tu sei il cor”: il utilise toute la puissance de sa voix pour souligner les mots et apparaître comme un véritable tyran. De manière générale la couleur assez froide de sa voix ne s’entend, étrangement, que dans les airs: il montre une voix plus somptueuse et chaleureuse dans les récitatifs.
Les rôles secondaires sont bien tenus à commencer par Damien Guillon dont le personnage de Nireno se trouve cependant amputé de son unique air. Mais les quelques remarques qu’il adresse à César ou à Cléopâtre dévoilent un timbre corsé et gracieux. Renaud Delaigue confirme sa belle longue voix de basse dans le rôle de Curio mais ce n’est aussi qu’à travers de trop rares apparitions que l’on peut admirer la richesse de son timbre.


Christophe Rousset rend hommage à la partition et y dégage de belles nuances et d’intéressants tempi. Dès l’ouverture, il dirige avec nerf et conviction et il est suffisamment maître de son orchestre pour le lancer dans des tempi très rapides. Les détails sont bien mis en relief, les récitatifs sont expressifs et les airs sont tous bien rendus avec la justesse dramatique nécessaire, mais il manque toutefois la douceur et l’attendrissement d’un Marc Minkowski… Le plus beau passage est sûrement le duo Sextus/Cornelie où, de concert avec les chanteuses, il baisse le volume de l’orchestre et laisse progressivement s’éteindre la musique, avec des silences entres certaines phrases. A noter ce que l’on pourrait appeler le “gag du cor”, tellement l’instrument a joué faux et absolument pas en mesure dans “Va tacito”!



Une fois passée la déception entraînée par la mise en scène, ce spectacle est très agréable à écouter même s’il n’est pas exceptionnel. Quelques belles images chaudes d’Egypte parviennent jusqu’à Paris et le drame se met finalement en place. Mais c’est dans quelques notes aériennes d’Andreas Scholl, dans de jolies vocalises de Rosemary Joshua et dans la direction générale de Christophe Rousset que cette nouvelle production trouve toute sa raison d’être.





A noter:
- Christophe Rousset retrouvera Haendel pour Ariodante du 14 au 22 mars 2007, toujours au Théâtre des Champs-Elysées.
- Andreas Scholl sera de nouveau à Paris pour La Passion selon St-Jean de J.S. Bach sous la baguette d’Emmanuelle Haïm, au Châtelet, du 28 mars au 6 avril 2007.
- Le Théâtre des Champs-Elysées organise un colloque sur le thème: L’Europe baroque: l’opéra aux XVIIème et XVIIIème siècles. Interviendront Ivan A. Alexandre, Jean Duron, Hervé Niquet, Andreas Scholl, Christophe Rousset, etc… 22 et 23 octobre 2006.


Manon Ardouin

 

 

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