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05/04/2009
Le Salon de musique de Marie-Antoinette :
Francesco Petrini : Les Folies d’Espagne et douze variations pour harpe, opus XXVIII
Christoph Willibald Gluck : Air « J’ai perdu mon Eurydice » extrait d’Orphée et Eurydice, pour ténor et harpe
Jean-Baptiste Krumpholtz : Air de « L’Amante abandonnée » pour soprano, violon et harpe – Air de « La Nuit profonde » pour ténor et harpe – Sonate pour harpe en forme de scène de mezzo caractère, en fa majeur, opus XV, n° 2
Jean-Baptiste Cardon : Sonate pour harpe en mi bémol majeur, opus VII, n° 1
Antoine Dauvergne : Trois chansons pour soprano ou ténor, violon et harpe
Joseph-Boulogne de Saint-Georges : Sonate pour flûte et harpe en mi bémol majeur
Marie-Antoinette : C’est mon ami, romance pour soprano et harpe
Wolfgang Amadeus Mozart : Oiseaux, si tous les ans…, KV 307 pour soprano et harpe – Adagio pour harmonica de verre, KV 356
Jan Ladislav Dusík : Sonatine pour harpe n° 5
Giovanni Paisiello : Entracte pour harpe
André-Ernest-Modeste Grétry : Air « Malgré la fortune cruelle », extrait de La Caravane du Caire, pour soprano, ténor, violon et harpe
Jean-Paul-Egide Martini : Plaisir d’amour, pour soprano, ténor, flûte, violon et harpe

Sandrine Chatron (harpe), Isabelle Poulenard (soprano), Jean-François Lombard (ténor), Stéphane Paulet (violon), Amélie Michel (flûte)
Enregistré à la Cité de la musique, Paris (juin 2008) – 77’
Disque Ambroisie AM 179 (distribué par Naïve) – Notice bilingue d’Alexandre Dratwicki (français et anglais)






Parmi les célèbres portraits de Marie-Antoinette (1755-1793), il en est un de Jacques-Fabien Gautier d’Agoty (1710-1781) qui nous la montre assise, visiblement dans une des pièces du château de Versailles, en train de discourir avec des proches tout en supportant distraitement une harpe, la main droite en pinçant nonchalamment quelques cordes… Voilà résumé le contenu musical du présent disque. En effet, comme le précise Sandrine Chatron dans la notice explicative, « ce programme recrée l’atmosphère intimiste d’un salon de musique à l’époque de Marie-Antoinette […] Mes choix musicaux illustrent la diversité du répertoire en lien avec la personnalité de la reine Marie-Antoinette, tantôt mélomane, interprète, inspiratrice ou protectrice des arts ».


Dans cette perspective, ce disque original et fort bien construit permet d’entendre des œuvres certes mineures, mais formant un ensemble tout à fait convaincant, qui reflète ce que l’on pouvait entendre à la cour de France de l’époque. Même si des figures aussi connues en ce temps-là que François-André Philidor (1726-1795), Philipp Joseph Hinner (1754-1805) ou Pierre-Alexandre Monsigny (1729-1817) ne figurent pas sur ce disque, force est de constater que le panel offert à notre écoute est très riche. Il faut bien avouer que là réside le principal intérêt de ce panorama musical, compte tenu de la recherche relativement faible des pièces qui y figurent. Certains compositeurs sont déjà célèbres et ne méritent guère d’être présentés, qu’il s’agisse de Christoph Willibald Gluck (1714-1787), Joseph-Boulogne de Saint-Georges (1745-1799), André-Ernest-Modeste Grétry (1741-1813) ou, naturellement, Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791). L’extrait du trentième opéra de Gluck, Orphée et Eurydice (composé en 1762), est issu de la version révisée de 1774, censée adapter au goût français l’œuvre originellement créée à Vienne. La très belle voix de Jean-François Lombard ne parvient malheureusement pas à masquer la faiblesse des paroles dont la mièvrerie donne peu de couleurs à ce bref extrait. Plus attachante est la Sonate pour flûte et harpe du Chevalier de Saint-Georges ; vraisemblablement composée en 1771, millésime précédant d’un an la création de ses premiers quatuors à cordes et de deux ans sa prise de direction du « Concert des amateurs », il s’agit en réalité d’une œuvre destinée à la harpe seule, la flûte se cantonnant à un accompagnement des plus discrets. Sandrine Chatron tire des mélodies extrêmement agréables de sa harpe, instrument de 1799 fabriquée par le facteur Sébastien Erard (1752-1831), accompagnée avec délicatesse et simplicité par sa complice, la flûtiste Amélie Michel. Datant de 1783, La Caravane du Caire est certainement un des opéras les plus célèbres de Grétry : très apprécié par Marie-Antoinette (même si cette dernière chérissait avant tout Zémire et Azor, composé en 1771 sur le thème de La Belle et la Bête, conte de Madame Leprince de Beaumont), cet opéra comique est ici illustré par un très bel air, chanté avec entrain par Isabelle Poulenard et Jean-François Lombard, l’accompagnement instrumental (harpe et violon) s’avérant d’une particulière virtuosité. Quant aux deux références à l’œuvre de Mozart, elles sont mineures mais n’en sont pas moins de beaux témoignages sur la simplicité et l’évidence musicales du compositeur.


Plus intéressants sont les compositeurs secondaires de ce disque, à commencer par Jean-Baptiste Krumpholtz (1742-1790), harpiste et compositeur tchèque. La virtuosité qu’il a manifestée dans l’usage de son instrument a d’ailleurs conduit Erard à le perfectionner : c’est ainsi que serait née la harpe à double action, en 1801 (bien que l’innovation technique lui soit disputée par Charles Groll et un certain Cousineau). Ses deux airs, L’Amante abandonnée et La nuit profonde, sollicitent pour l’un la soprano, pour l’autre le ténor dans deux mélodies aux thèmes plaintifs et émouvants mais, et c’est appréciable, nullement doucereux comme on aurait peut-être pu le craindre : on soulignera par ailleurs la belle intervention du violon de Stéphane Paulet dont l’importance est ici bien supérieure à la harpe, reléguée au rang de second accompagnateur. Les pièces composées par Jan Ladislav Dusík (1760-1812) et Giovanni Paisiello (1740-1816) méritent également qu’on y prête l’oreille même si elles ne témoignent pas de la richesse de ces deux compositeurs : ce sont de parfaites combinaisons entre quelques accents musicaux populaires et le style galant propre à ce XVIIIe siècle français qui, en bien des domaines, servit d’étalon à un certain art de vivre.


Enfin, deux œuvres doivent être considérées de manière un peu plus attentive. D’une part, les magnifiques variations composées par Francesco Petrini (1744-1819), harpiste et compositeur français établi à Paris à partir de 1769, sur le thème célèbre des Folies d’Espagne qui, entre Salieri et Lully, Marin Marais et Corelli, a donné lieu à tant d’inventions mélodiques et instrumentales. Pièce conséquente (plus de huit minutes), elle permet à Sandrine Chatron de faire montre de tous ses talents : technique redoutable, musicalité sans faille, appréhension originale de chaque séquence… D’autre part, c’est avec une oreille amusée et, d’une certaine manière, quelque peu peinée, que l’on écoutera la romance C’est mon ami pour soprano et harpe que Marie-Antoinette aurait composée elle-même… Naturellement, rien n’est moins sûr mais, que ce soit vrai ou non, on ne peut s’empêcher d’y voir une preuve éclatante du décalage qui existait entre les préoccupations d’une personnalité qui n’était visiblement pas faite pour le pouvoir et les charges qui lui incombaient en tant que reine de France. De ce seul point de vue, ce disque est un nouvel élément à prendre en considération pour qui veut davantage comprendre le personnage de Marie-Antoinette.


Sébastien Gauthier

 

 

 

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