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Beau, étrange et émouvant

Bruxelles
La Monnaie
05/02/2024 -  et 5*, 8, 10, 12, 14 mai 2024
Benjamin Britten : The Turn of the Screw, opus 54
Ed Lyon (The Prologue), Sally Matthews (The Governess), Samuel Brasseur Kulk, Noah Vanmeerhaeghe (Miles), Katharina Bierweiler (Flora), Carole Wilson (Mrs Grose), Julian Hubbard (Peter Quint), Allison Cook (Miss Jessel)
Orchestre de chambre de la Monnaie, Antonio Méndez (direction musicale)
Andrea Breth (mise en scène), Raimund Orfeo Voigt (décor), Carla Teti (costumes), Alexander Koppelmann (lumières)


(© Bernd Uhlig)


En 2021, la Monnaie a créé ce nouveau Tour d’écrou (1954) en l’absence du public. En plus du streaming diffusé à l’époque, un bel enregistrement audio, chez Alpha, témoigne de ce projet mis sur pied, malgré la pandémie, dans des conditions qui nous paraissent, avec le recul, tellement improbables, et pourtant réelles. La Monnaie a raison de reprendre cette production, avec un autre chef mais avec une distribution à peu près identique : il s’agit d’une splendide mise en scène du chef d’œuvre de Britten.


Andrea Breth respecte la part inexprimable de cette œuvre, sans volonté d’actualisation ni de transposition. Cette étrange histoire se déroule donc bel et bien il y a longtemps dans un intérieur de style victorien, assez minutieusement reconstitué. Simple et mystérieuse, la scénographie parvient à rendre cet univers insaisissable et oppressant – les murs mobiles, les pianos inclinés, les armoires gigantesques, les portes énormes, les masques inquiétants. Cet intérieur élégant n’offre ainsi aucune échappatoire. Les lumières contribuent à rendre ce décor à la fois beau et terrifiant, dans de superbes teintes de gris. La dimension visuelle particulièrement réussie de ce spectacle laisse aussi suffisamment de place à l’imagination, à l’interprétation personnelle. La direction d’acteur, impeccable, confère à la pièce toute son étrangeté et sa tension, renforçant tout particulièrement la distance qui sépare la gouvernante des enfants. Les différentes scènes se succèdent avec fluidité, une qualité nécessaire dans cet opéra, malgré l’un ou l’autre baisser de rideau dont il aurait fallu, selon nous, se passer, sauf entre les deux actes, afin de conserver le naturel des enchaînements.


Compte tenu de la fréquence de ses apparitions à la Monnaie, distribuer la Gouvernante à Sally Matthews tombe sous le sens. L’interprétation reflète l’adéquation quasiment parfaite entre le profil de cette chanteuse et les caractéristiques de ce rôle. Même s’il demeure possible d’atteindre un équilibre encore meilleur entre expressivité vocale et charme naturel, la soprano parvient à convaincre et même à émouvoir, particulièrement dans la dernière scène. La prestation de Carole Wilson parait en revanche totalement idéale, à tous points de vue, en Mrs Grose. Julian Hubbard et Allison Cook forment un excellent duo de fantômes sadiques, mais le ténor se démarque davantage en Peter Quint que sa partenaire en Miss Jessel, grâce à un jeu scénique vraiment saisissant. La voix et la présence d’Ed Lyon attirent sans tarder l’attention dans le prologue, remarquablement introduit au piano par Alfredo Abbati.


Les enfants sont quant à eux distribués à de talentueux jeunes chanteurs. Katharina Bierweiler répond largement aux attentes en Flora, mais c’est le couple de jeunes garçons qui attire l’attention, dû à une intéressante, mais intrigante, idée de mise en scène. Andrea Breth dissocie en effet le personnage de Miles, l’un des deux étant probablement le double de Peter Quint. Samuel Brasseur Kulk et Noah Vanmeerhaeghe, membres tous deux des Chœurs d’enfants et de jeunes de la Monnaie, s’y montrent tout à fait remarquables, du fait grâce à leur maitrise vocale et à leur jeu crédible, le second impressionnant davantage que leur premier, par une présence un peu plus forte et par une voix mieux affirmée. Sous la direction au scalpel d’Antonio Méndez, l’Orchestre de chambre de la Monnaie joue avec intensité et précision. Grâce à la beauté de leurs sonorités et à la justesse de leur expression, les musiciens restituent admirablement la finesse et l’inventivité de cette composition exceptionnelle.



Sébastien Foucart

 

 

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